Roger ROMAIN
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Poutine, l’espion qu’aimait l’Occident

Vladimir Poutine, le nouveau président russe, est-il un faucon? Un officier KGB menant une guerre acharnée en Tchétchénie? Un homme que les Occidentaux doivent prendre avec des pincettes? Une enquête sur sa carrière balaie vite fait cette image façonnée par nos médias: la race Poutine est aussi servile pour l’Occident que la race Eltsine.

Jef Bossuyt

De 1982 à 1986, Poutine est espion du KGB en Allemagne de l’Est. A partir de 1985, son équipe a comme tâche d’y imposer la perestroïka, la nouvelle politique de Gorbatchev. Concrètement, cela signifie que les troupes soviétiques doivent quitter ce qui est toujours la RDA et que ce pays doit engager des réformes économiques d’inspiration libérale.

Mais le chef de fil des communistes est-allemands, Erich Honecker, y est opposé. Les espions russes recrutent alors des opposants en vue d’un putsch1. Deux mois plus tard, le Mur de Berlin tombe…

Début des années 90, Poutine devient assistant de Sobtsiak, maire de Léningrad. Il mène les privatisations, vend bâtiments et entreprises de la ville au capital national et étranger. Dans les crémeries de Léningrad, on trouve désormais du yaourt Früchtegut en provenance de Bavière. Les kolkhozes (coopératives) ne doivent plus fournir de lait: elles dépérissent. Thane Gustafson, directeur du Cambridge Eurasia Energy Program (EU), décrit Poutine comme un homme 'habitué à traiter avec des sociétés occidentales'2.

Tombeur de Mur et expert ès privatisations

Mi-1999, le président Eltsine devient un danger pour la stabilité du régime pro-occidental de Russie. 35% des salaires sont passés sous le minimum vital. Et les bombardements de l’Otan en Yougoslavie ont profondément humilié la Russie. Il devient urgent de trouver la relève du chef du Kremlin. 'Le remplacement d’Eltsine par Poutine était déjà préparé six mois d’avance', confiera Gleb Pavlovski, conseiller privilégié d’Eltsine et de Poutine.3

La décision est en effet prise en juillet 1999, lors du forum économique d’été à Salzbourg (Autriche)4. Le cénacle se compose d’investisseurs étrangers, de chefs d’Etat de l’Europe de l’Est, de hauts dignitaires autrichiens et de la crème des politiciens russes les plus pro-occidentaux: Tchoubaïs, Kirienko et Rijkov.

En août 1999, Poutine devient Premier ministre et passe à l’avant-scène. Il déclare mener une guerre chirurgicales contre les rebelles tchétchènes. Les victimes civiles ne sont pas montrées. En décembre, son parti d’unité nouvellement constitué gagne les élections parlementaires. On décide alors de le lancer comme président intérimaire jusqu’aux élections présidentielles anticipées de mars 2000. Le délai maximum durant lequel on peut maintenir sa popularité?

La meilleure manière de perdre la guerre

Juste après l’abdication d’Eltsine, un journal américain écrit: 'Il y a quelques années, la démission d’Eltsine aurait choqué et alarmé Washington. Aujourd’hui, l’ambiance est plutôt au soulagement.'5 Dans le secteur de l’énergie, les investisseurs américains sont même enthousiastes: 'C’est une bonne nouvelle pour les investisseurs car ils sont favorables à ce Poutine pragmatique. Cela met un terme à notre incertitude. Le marché des actions a fait un bond de 25 % quand il a gagné les élections parlementaires, et c’est un deuxième bond en avant.'6 Madeleine Allbright, secrétaire d’Etat américaine aux Affaires étrangères, définit elle Poutine comme 'une personne pouvant réaliser quelque chose'7.

Clinton et Allbright protestent bien contre la guerre en Tchétchénie, mais ils sont conscients que leurs intérêts au Kremlin ne peuvent être mieux servis que par Poutine. La manière dont celui-ci mène la guerre est en effet la meilleure pour la perdre. Il admet des observateurs en Tchétchénie qui préparent le terrain pour des interventions depuis l’Occident. Il se garde bien de s’en prendre aux mercenaires en chef, Basaev et Chatab. Mais n’hésite pas à bombarder la population des villages.

Le président de l’Ingouchie, région voisine de la Tchétchénie, a la formule suivante: 'S’il y a des terroristes dans une maison, pourquoi détruis-tu alors toute la maison? Lorsque les réfugiés tchétchènes reviendront, ils ne le pardonneront jamais. Combien de temps encore l’armée russe pourra-t-elle payer une telle campagne? C’est la voie directe pour perdre tout le Caucase'.8

1 Berliner Zeitung, cité dans Le Soir, 11 janvier 2000. • 2 Cambridge, Massachussets, 31 décembre 1999. • 3 De Standaard, 3 janvier 2000. • 4 Newsline, 2 juillet 1999 et ORT-tv-nouvelles, 3 juillet 1999. • 5 Los Angeles Times, 1 janvier 2000. • 6 Cambridge, Massachussets, 31 décembre 1999. • 7 AP, Washington, 31 décembre 1999. • 8 Pratislava’s Pravda, 28 décembre 1999.

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