Bonsoir,
Mes excuses pour les doublons ou
triplons.
Je redonne en fin de message (à lire en première
lecture peut-être) un texte ("réconcilier méthode naturelle et syllabique")
écrit en début de vacances de Noël (le 21 décembre) et tentant d'entrevoir
quelles pistes faisant la part belle à de la syllabique pourrait se rapprocher
de la méthode naturelle et ainsi permettre de tendre des ponts entre les deux
(malgré d'énormes difficultés pratiques et théoriques), notamment en moyenne et
grande section de maternelle et peut-être aussi au CP.
L'approche généralise peut-être hativement une
expérience ponctuelle mais alors n'existe-t-il pas d'autres ponts ?
Bien sûr, le
titre de mon message était ambigü : il ne s'agit pas de réconcilier de fait 2
méthodes que tout (ou presque) oppose puisque dans la méthode naturelle, il y a
rupture complète avec le schéma de progression de la syllabique
pure.
Mon idée serait ici plutôt de permettre aux
opposants des méthodes syllabiques et mixtes de trouver un terrain d'entente
notamment en maternelle.
Car si mon mépris pour le ministre est réel (** voir à la fin) je me dis
qu'il aura peut-être permis de crever un abcès et qu'à terme, le débat pourra
être profitable à la méthode naturelle et donc à l'épanouissement des enfants en
lecture- écriture.
Et plutôt que de s'opposer de façon abrupte à la méthode syllabique pure,
je verrais plus utile de (et le groupe de travail pourrait aussi réfléchir
dans ce sens) :
- situer un terrain sur lequel les opposants
pourront se situer respectivement,
- approcher les arguments de l'autre sans les
mépriser,
- mettre en valeur ses propres idées
forces.
- voir ce qui dans les idées forces est compatible avec l'autre camp
et ce qui est incompatible.
- Rechercher les raisons de ces incompatibilités et trancher quand à la
pertinence des arguments.(analyse de pratiques, prise en compte du court -
moyen -long terme etc.)
- Conserver les idées forces compatibles (* voir à la fin) et celles en
bémol qui, après un travail fécond se réveleront comme n'étant pas
forcément incompatibles.
- Trouver une approche qui permette de mettre en valeur ces idées forces
"communes".
Et c'est là que le terrain de cette approche de construction des mots
imaginaires (imoginiaires) peut, peut-être, rendre plus simple ce travail de
rapprochement :
Elle fait la part belle à la syllabique sans se couper du sens ni
de la production de chaque instant !
Par exemple,
S'il est vrai que, comme dans la méthode naturelle,
il y a rupture complète avec le schéma de progression de la syllabique pure
:
1a) j'apprends par coeur.
2a) je restitue et je décortique.
3a) je prononce et j'écris
correctement...
(...)
10a) je produis un texte contraint.
11a) (facultatif) je produis un texte
libre...
Dans le cas de cette approche des mots
imaginaires (imoginaires), on a donc plutôt :
1b) je produis un texte composé d'un ou
plusieurs mots imaginaires.
2b) j'essaye de le lire ou je demande à l'adulte de
me le lire.
3b) j'analyse ce qui me convient ou pas, je repère
des éléments connus.
4b) je produis à nouveau :
a) autre chose ou
b) quelque chose en lien avec la
production précédente (comparaison avec du connu, modification, reprise d'une
partie etc.).
(...)
10b) je produis des lois et plus tard des
exceptions.
11b) je continue à produire du sens et de la poésie
sonore. (remarque : Parler de poésie sonore me fait
penser aux enregistrements sonores que Paul Le Bohec nous avais si simplement
fait entendre lors du congrès de Valbonne cet été).
Ce qui semble absolument incompatible justement (progressions en a) et en
b)) ! (*** voir à la fin).
Cependant, si le reproche principal des tenants de la syllabique pure est
bien que les autres approches n'entamment pas le travail de l'année AVEC le BA-
Ba, il peut leur être répondu que cette approche des imoginaires aborde la
syllabique dès le début quoique avec un rythme moins soutenu que la méthode
syllabique pure car basé sur la libre adhésion de l'enfant à cette activité
parmi d'autres.
Un autre reproche est celui de la non individualisation des parcours en
lecture écriture qui "augmenterait" les écarts entre élèves, chose innacceptable
pour certains.
Ou encore, le mythe plus réel que le réel du "tout le monde en même temps
tout le temps". Ca, c'est une idée force non négociable : les textes
officiels vont d'ailleurs dans ce sens et il faut s'en saisir ! ! !
Voilà, je laisse la parole...
Coopénaivement,
Jean-Noël
P.S.
(*) En vrac, qq arguments en faveur de cette
approche des "imoginaires" :
C'est vrai que ca ressemble à la méthode naturelle
néanmoins, l'aspect manipulatoire apparaît de prime abord.
C'est vrai que cette approche n'est pas coupée du sens des mots puisque
lorsque un mot en contient d'autres, ou des bouts de mots connus, le
rapprochement est opéré par l'enfant lui même !
C'est vrai que les connaissances sont proposées de
façon globale et non segmentée et que cette segmentation et construction de lois
ou régularités peut être laissée à la charge de l'enfant, selon son rythme
d'apprentissage.
C'est vrai que cette approche peut développer
l'imaginaire et une certaine forme de poésie sur les sonorités.
C'est vrai que les enfants ne peuvent qu'être en
réussite en ce qui concerne la production et que l'échec est plutôt constructif
(je n'ai pas réussi à produire le son voulu ou le mot voulu ou ... le sens voulu
!) c'est à dire condition de progrès.
C'est vrai que les fautes d'orthographes n'ayant
pas lieu d'être, des mots bien écrits sortiront progressivement de ce magma sans
que toute l'attention ne porte justement sur le fait qu'il faille que les mots
soient écrits correctement et moins encore sur le fait qu'il faille que les mots
soient écrits correctement dès l'entrée en lecture - écriture...
(**) raison 1) objectif démagogique : en condamnant 0% d'enseignant, on
gratifie les 100% restants (mais nous ne sommes pas dupes),
raison 2) c'est une oppositions à peine masquée aux méthodes mixtes et
notamment à la méthode naturelle qui est alors en danger,
raison 3) en mettant au ministère de l'éducation un incompétent, on porte
préjudice à tous et chacun ainsi qu'à notre propre avenir de nation. Je ressens
de la honte. (*** ) Et c'est là qu'il faudra réussir à bien différencier ce qui est
un plus pour l'élève de ce qui est un plus pour l'enseignant dans sa gestion (ou
son illusion de gestion) des apprentissages :
La progression en a) soulage une partie du travail de l'enseignant et
favorise des apprentissages pour partie artificiels sur du court terme, le
long terme ne venant qu'avec de longues et fastidieuses répétitions.
La progression en b) renforce le rôle de l'enseignant (ou non-rôle) et
favorise des apprentissages ancrés dans la vie scolaire et extra scolaire de
l'enfant dont les effets sont parfois moins immédiats mais participent à un
travail sur le long terme. ----- Original Message -----
From: Jean-Noel Manouba
To:
Sent: Wednesday, December 21, 2005 12:07 PM
Subject: Réconcilier méthode naturelle et syllabique ? Bonjour à tous,
suite à l'appel de Marguerite, je donne ci-dessous
:
1) le témoignage d'une expérience avec mes enfants
concernant leur entrée en écriture - lecture;
2) un questionnement concernant l'intérêt de
laisser tâtonner (en maternelle et peut-être
aussi au CP) dans l'écrit sans diriger trop vite vers le sens des mots et
phrases (autrement dit, une forme de syllabique construite par l'enfant avec
l'aide de l'adulte). Une syllabique naturelle ?
A sauter dans un premier temps : (( Mon fils
Théo apprend à lire et écrire actuellement. Il est au CP et suit une méthode syllabique agrémentée d'ouvertures
sur l'écrits et les écrits en classe ainsi qu'à la maison (quotidien,
petites activités du soir etc.).
Il vit bien son entrée dans
l'écrit mais je dois dépenser une partie de mon énergie à empêcher sa grand-mère
de le faire réviser comme un compétiteur, style "bourrage de crâne".
Elle s'inquiète si un ou deux soirs il
n'a pas fait sa lecture car alors "il risque de tout oublier"
dit-elle...
La raison que je lui avance c'est qu'il est
préférable qu'il apprenne à déchiffrer moins vite que ce que son travail à elle
pourrait lui permettre mais qu'il le fasse à son rythme par rapports à des choix
propres et aussi qu'il ne risque pas de s'éloigner du plaisir de lire, dans
l'immédiat et pour les années à venir. Mais c'est très difficile de faire
entendre raison sur ce sujet qui touche les êtres dans leur chairs, dans leur
vécu plus ou moins épanoui d'apprenant, qui ont le plus souvent subi cette
méthode.
Comme il dessine et calligraphie très
bien et que dans l'ensemble, cela lui plaît l'école et la lecture - écriture,
tout travail de renforcement risquerait de lui nuire plus qu'autre chose. Bref,
classique je pense.))
Ma fille Stella qui est en moyenne section a envie
de faire comme son frère et d'apprendre à lire et écrire.
Je ne la décourage surtout pas et j'essaye au
contraire de valoriser la moindre de ses tentatives. Lorsque elle a produit son
premier écrit, la réaction d'une de mes cousines a été de dire "ca ne veut rien
dire".
Mais à l'inverse, j'ai dit "Mais bien sur que ca
veut dire quelque chose, ca veut dire un mot que Stella a écrit, je lis ".
VESVALLVT (lettres de son prénom et le V de vincent, son bon copain).
Depuis, à peu près tous les jours elle me montre spontanément des bouts de
phrases imaginaires ou juste de longs mots qu'elle vient d'écrire.
Elle commence à adorer les répéter après
moi.
Quand un bout de ses longs mots l'interpelle,
ressemble à un mot connu, elle s'exclame "mais on dirait cela !". Je lui dis
oui, je souligne les lettres du mot en question et lui suggère de les recopier
dessous.
Par la suite, elle pourra je pense le faire seule.
De même, et comme je lui avais fait à quelques reprises, elle cache certaines
lettres et me demande de relire à haute voix sans ces lettres. Enfin, elle
commence à mettre plus de voyelles dans ses mots imaginaires ("imoginaires")
sans que j'ai eu besoin de le lui suggérer. etc. etc.
Cette dynamique m'enchante littéralement car elle y
prend un plaisir évident et selon moi cela lui ouvre toutes grandes les portes
de l'écrit d'une façon très "naturelle" puisque il s'agit d'un projet personnel
pour lequel chacune de ses petites réalisations est valorisée, et sert de
support de discussion...
Et dès qu'elle pourra produire des écrits qui
créeront un sens voulu, elle changera encore de sphère d'intérêt (la raison
d'être de l'écrit !) mais cette expérience tâtonnante pourra néanmoins lui
être utile par la suite je pense. Car ainsi,
j'imagine qu'elle percevra de par elle même certaines "lois", régularités", sans
jamais que j'ai besoin de les lui suggérer ! ? Par la suite, j'imagine que
lorsque certains mots ne suivront pas ces mêmes régularités, sera-t-il
intéressant de les noter à part pour ne pas oublier que ceux-là sont
particuliers et qu'il faut veiller à les apprendre ou à pouvoir les
retrouver.
Ainsi, à mon avis, l'entrée dans le sens
se fera aussi tôt que possible mais ni trop tard (cf. méthode
syllabique) ni trop tôt (ce sera l'enfant qui aura décidé de vouloir produire du
sens ce qui empêche que ce soit trop tôt, non ?).
Remarque : Ca me fait penser qu'effectivement, si
les mots dont on ne peut trouver la prononciation à partir des "lois usuelles"
("est" par exemple) sont appris globalement lors de l'entrée en lecture -
écriture, cela peut s'opposer à la construction mentale de lois par
l'enfant. Car où a-t-on déjà vu commencer par les exceptions ? Mais je me
trompe peut-être n'ayant jamais eu de CP. Par contre, construire un
référentiel de mots outils ayant une importance directe pour lui dans la
construction de phrases personnelles peut présenter des avantages
évidemment.
Je me demande par ailleurs dans quelle mesure
ce genre de pratiques inidvidualisée via des mots imaginaires
("imoginaires") est en adéquation avec les pratiques des enseignants Freinet de
maternelle...
Y valorise-t-on l'écrit à priori dénué de sens
?
Je me demande également "naïvement" si cette
approche tient plus de la méthode naturelle (où le sens a une importance
primordiale) de lecture - écriture ou bien d'une "syllabique naturelle" qui
pourrait "peut-être" (j'espère ne faire grincer les dents de personne) créer un
terrain d'entente entre les tenants de la syllabique pure et ceux des méthodes
mixtes dont la méthode natuelle.
Coopéraivement,
A +
JNoël
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