*Attachements aux territoires ?*

*Réflexions et luttes actuelles*

Colloque international

*23-25 Octobre 2019  *

*Université de Liège*



Comité d’organisation : Damien Darcis, Antoine Janvier, Julien Pieron,
Ferhat Taylan







Là où certaines dimensions de la modernité ont induit, sous diverses formes
qui restent toujours à analyser, des processus de détachement des
collectifs humains à l’égard des territoires sur lesquels ils vivaient de
manière plus ou moins stabilisée, on assiste aujourd’hui à une
multiplication des stratégies d’attachement des collectifs humains aux
territoires. Si le processus de détachement constituait l’un des aspects
centraux de l’idéal moderne d’autonomie, notamment comme émancipation des
individus par rapport aux liens territoriaux féodaux, il a aussi conduit à
une dévalorisation des savoir-faire locaux, des usages vernaculaires des
territoires et des modalités de composition avec les êtres biophysiques
d’un milieu. Les ruptures causées ces deux derniers siècles avec les
transformations des modes de propriété, de travail de la terre, d’échange
des produits ont aussi conduit à une dégradation des écosystèmes, à une
hiérarchie matérielle partageant les territoires sanctuarisés et ceux qui
sont au contraire sacrifiés, souvent pour assurer la subsistance des
populations urbaines.

On assiste aujourd’hui à une réévaluation critique, à la fois théorique et
pratique, de ce discours du progrès suivant lequel le territoire local
était ce dont il fallait se détacher pour s’émanciper et rejoindre le
global, ou ce terroir qu’il fallait améliorer. Qu’il s’agisse des conflits
autour des projets d’aménagements urbains, des ZAD en France ou du
mouvement des communs qui s’attachent à certains lieux pour les extraire de
la propriété publique et privée, une série de politiques territoriales
nouvelles semble en effet émerger. La nouvelle condition écologique et les
nouvelles formes sociales d’attachement aux territoires qu’elle suscite
invitent ainsi à penser à nouveaux frais les rapports entre collectifs et
territoires. Parce qu’elles posent autant de problèmes à résoudre que
d’horizons prometteurs, elles appellent une réflexion multidimensionnelle –
historique, philosophique, anthropologique et juridique – sur l’attachement
des collectifs aux territoires locaux. Les formes d’attachement des
collectifs non naturalistes aux territoires dont ils prennent soin
pourraient-elles véritablement constituer des sources d’inspiration pour
des stratégies actuelles ? Beaucoup plus proches de nous, les conflits
urbains concernant l’aménagement des territoires ne devraient-ils pas
conduire la philosophie et les sciences sociales à une réflexivité plus
élaborée au sujet de la démocratie telle qu’elle s’expérimente concrètement
sur les territoires ? Comment repenser les tensions entre la souveraineté
étatique sur les territoires et l’autonomie locale revendiquée par les
collectifs ? Les luttes politiques territorialisées qui se déroulent aussi
bien dans nos villes que sur des territoires autonomes sont-elles
susceptibles de transformer les conceptions de la philosophie politique
classique ?

Toutefois, loin de constituer une dimension proprement émancipatrice,
l’engouement pour la « revalorisation des territoires » n’a cessé d’être un
levier de politique développementiste et d’aménagement de territoires, du
point de vue des acteurs publics et privés.  Par ailleurs, la définition
même du territoire ne va pas de soi : quels critères pour la délimitation
d’un espace en fonction des usages qu’en font plusieurs espèces, de la
hiérarchie et de la cohabitation de ces usages, ou pour les décisions
politiques concernant les aménagements qu’on peut y apporter ? Quelles
seraient aussi les frontières du collectif qui s’y attache, quels sont les
êtres à inclure et à exclure, avec quels droits individuels et collectifs ?
Ces interrogations permettent-elles de distinguer terre, terrain,
territoire, sol ? Le colloque se propose ainsi de revenir sur les logiques
parfois contradictoires de valorisation des territoires, d’en problématiser
les ambivalences conceptuelles, et d’identifier les différentes stratégies
et usages constitutifs de ces orientations politiques. Comment circonscrire
les limites d’un collectif et de son milieu sans tomber dans une politique
identitaire, voire raciale ? Dans quelle mesure, par exemple, la
perspective des communs peut-elle éviter ces écueils en renvoyant à des
communautés définies par leur activité de mise en commun de certains
êtres ? Que peut être à cet égard la contribution des études
éthologico-philosophiques qu’on voit se développer ces dernières années
pour redéfinir, et problématiser à nouveaux frais, des formes de
collectivité et de territorialité en partage entre humains et non-humains,
depuis les questions d’usages partagés, de cohabitation et de diplomatie
interspécifiques ?

Le concept d’attachement, tel qu’il est mobilisé par le pragmatisme et
repris par la sociologie de l’action récente, présente l’avantage de
privilégier le lien affectif et engagé entre les communautés et les
territoires, plutôt que d’aborder ces derniers comme des objets distants.
En tant que catégorie descriptive, on retrouve la figure de l’attachement
dans de nombreuses luttes territoriales, dans certains récits ruraux ou
néoruraux. Ce lien entre une communauté et un lieu est un problème pour la
philosophie, dès lors que ses transformations paraissent constitutives de
l’expérience politique et écologique de la modernité, mais aussi des
revendications politiques du présent.

            Dans ce champ actuel et foisonnant, le colloque « attachements
aux territoires ? » privilégiera trois objectifs : 1) proposer une
problématisation théorique des concepts d’attachement et de territoire en
tant qu’il sont retravaillés en philosophie et en sciences sociales ; 2)
questionner les formes d’attachement des communautés, qu’il s’agisse des
territoires en « transition », des territoires occupés comme les ZAD ou des
mouvements de permaculture; 3) les mettre en rapport avec les conflits
urbains et écologiques à Liège et à Bruxelles, avec la participation des
acteurs sociaux impliqués dans ces mouvements.



*Programme*



*Mercredi 23 Octobre *



*Salle Lumière, Université de Liège*



*Matinée*



11h Ouverture du colloque



11h30-12h30 *Pierre Charbonnier (CNRS) :* « L'ubiquité des modernes. A quel
territoire exactement sommes-nous attachés ? »



*Après-midi*



14h-15h *Ferhat Taylan *(ULiège) : « Du territoire au milieu.
Compréhensions territoriales contrastées de la théorie politique et de
l’écologie »



15h-16h *Didier Debaise *(ULB) : « Habiter un univers pluraliste. Héritages
du pragmatisme »





*Soirée *

*Cafétéria Collective Kali *(Rue St Thomas 32, 4000 Liège)



18h-20h.  *Vinciane Despret (ULiège)* et *Baptiste Morizot (Aix-Marseille) *:
« Permettre à plus de réel de se manifester »







*Jeudi** 24 Octobre*



*Salle des professeurs, Université de Liège *



*Matinée*



*10h-11h Laura Centemeri (CNRS) :* « Le mouvement de la permaculture ou la
critique écologique par l’art de réhabiter »



*11h-12h Nicolas Prignot (ULB) : *« Enquêtes et controverses autour de
potagers bruxellois »



*Après-midi *



*14h-15h Jean-Marc Besse (EHESS) :* « Le paysage: espace et forme sensible
de l'attachement »



*15h-16h Sylvaine Bulle (ENSA-CNRS) : *« Peut-on ontologiser les
attachements ? Une sociologie pragmatique des milieux de vie autonomes et
de la forme-occupation »



*16h30- 18h30 Benjamin Hennot (cinéaste) :* « La jungle étroite »

*Projection du documentaire suivie d’un débat avec le réalisateur*



*Vendredi 25 Octobre*



*Salle des professeurs, Université de Liège *



*Matinée*



*09h30-11h : Marc Monaco et Sébastien Demeffe (documentaristes radio) : *«
Faire territoire avec un aéroport de fret. Présentation d’une enquête
radiophonique en cours »



*11h15-12h30 : Thomas Berns (ULB) : *« Territoires de la discrimination et
renouvellement des conflictualités statistiques »



*Après-midi *



*14h-15h : François Schreuer (urbAgora) : *« Contre-pouvoirs,
contre-projets et contre-expertises dans la ville. Retour sur l’expérience
d’urbAgora »



*15h-16h : Pierre Dardot : *« Territoire(s) et souveraineté »



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Ferhat Taylan

Chercheur temporaire postdoctoral
Unité de recherche *Matérialités de la Politique*
Université de Liège
http://ulg.academia.edu/FerhatTaylan

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Pour toute question, la FAQ de la liste se trouve ici:  
https://www.vidal-rosset.net/educasup/
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        

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