Tiens, le RFC 2050, sur les politiques d'allocation des adresses IP,
enfin mis à jour :

http://www.bortzmeyer.org/7020.html

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Auteur(s) du RFC: R. Housley (Vigil Security), J. Curran (ARIN), G. Huston 
(APNIC), D. Conrad (Virtualized, LLC)



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Le bon fonctionnement de l'Internet dépend de l'*unicité* de certains 
*nombres*, notamment les adresses IP. Comment ces nombres sont-ils 
alloués de manière à respecter cette unicité et d'autres propriétés 
souhaitables ? Ce RFC remplace l'ancien RFC 2050 qui décrivait le 
système d'allocation des adresses IP en 1996.

Comme son prédécesseur, ce RFC ne propose pas une nouvelle politique : 
il documente ce qui se fait actuellement. Cette documentation est 
d'autant plus difficile que la gouvernance des adresses IP est un sujet 
complexe, à l'intersection de la technique (les limites de taille de 
l'espace d'adressage, les limites de traitement des routeurs), de la 
politique et de l'économie. Contrairement à la gouvernance des noms de 
domaine, celle des adresses IP fait peu de bruit et est surtout traitée 
dans des cercles fermés. Malgré cela, il n'y a certainement pas de 
consensus quant à la gestion de ces adresses et ce RFC n'est pas exempt 
de parti pris. Dans cet article, j'essaie de coller à la description 
qu'ont choisi les auteurs du RFC mais rappelez-vous que tout le monde 
ne la trouve pas correcte, loin de là (j'avais un point de vue plus 
personnel dans mon article sur le RFC 2050).

On notera aussi que le titre du RFC fait référence au système 
d'allocation des *nombres*, pas seulement des adresses IP. Il traite en 
effet également des numéros d'AS, qui étaient absents du RFC 2050.

Donc, commençons par la section 2, les buts. Pourquoi faut-il une 
gestion des *nombres* ? On ne peut quand même pas être propriétaire du 
nombre 3676198671278441090, quand même ? Pourquoi ces organisations et 
ces règles ? Le premier but de cette gestion est la gestion de la 
pénurie : les adresses IPv4, notamment, sont en nombre fini et 
dramatiquement insuffisant. Le bon fonctionnement de l'Internet 
nécessitant qu'une adresse IP soit unique (ce blog est en 
2605:4500:2:245b::42 ; si une autre machine avait cette adresse, à 
laquelle iraient les paquets ?), il faut un mécanisme pour s'assurer 
qu'une adresse ne soit allouée qu'une fois. Si l'espace d'adressage 
était immense, tirer un nombre au hasard dans cet espace assurerait une 
quasi-unicité (c'est ainsi qu'on fait pour les clés cryptographiques). 
Mais il ne l'est pas.

Et ce n'est pas le seul but de la gestion des adresses. Le routage dans 
l'Internet est hiérarchique. Il n'est pas possible qu'un routeur de la 
DFZ connaisse toutes les adresses du monde, sa mémoire n'y suffirait 
pas, sans parler du rythme de changement des tables de routage que cela 
imposerait. On regroupe donc les adresses en *préfixes* et le routage 
fonctionne sur ces préfixes, pas sur les adresses individuelles. Mais 
cela ne marche que si les adresses sont *agrégeables*, si elles sont 
suffisamment proches les unes des autres pour être regroupées en 
préfixes. Si 2001:db8:1:a::/64 est routé par un opérateur et 
2001:db8:1:b::/64 par un autre, on ne pourra pas agréger ces annonces 
en un seul 2001:db8:1::/48. C'est donc le deuxième but de la politique 
de gestion des adresses IP, permettre l'agrégation. (Par contre, la 
politique de routage, à savoir ce que les routeurs acceptent en 
pratique ou pas, est indépendante du système d'enregistrement des 
nombres. Elle est décidée par chaque opérateur séparément.)

Troisième et dernier but, conserver et publier (typiquement, via 
whois), des informations fiables sur les titulaires des préfixes, de 
manière à pouvoir les contacter en cas de problème pratique (par 
exemple de sécurité, cf. section 7). L'un des rôles des registres est 
de s'assurer que ces informations soient correctes. En pratique, les 
données actuellement publiées sont souvent de qualité médiocre 
(erronées, pas à jour, etc.) D'autre part, rien n'étant parfait en ce 
monde, on a déjà vu des cas où deux registres avaient alloué le même 
nombre <http://www.bortzmeyer.org/conflit-numeros-as.html>.
 
Comme le notait déjà le RFC 2050, ces buts peuvent être contradictoires 
entre eux. Ainsi, utiliser le mieux possible le nombre limité 
d'adresses IPv4 nécessiterait des micro-allocations (donner un /29 à 
celui qui n'a pas besoin de beaucoup d'adresses) alors que le routage 
demande de l'agrégation et donc d'allouer plutôt les préfixes en grands 
morceaux. D'autre part, ces trois buts peuvent être en contradiction 
avec d'autres intérêts. Par exemple, la publication des informations 
sur les titulaires et responsables techniques des préfixes peut être 
utilisée par les spammeurs pour collecter des adresses.

La section 3 du RFC décrit les organisations qui mettent en œuvre ce 
système de registre des nombres, et leurs relations. L'allocation 
hiérarchique des adresses IP et des numéros d'AS est enracinée à l'IANA 
qui distribue des ressources aux RIR qui les distribuent à des LIR qui 
les distribuent à des utilisateurs finaux (en simplifiant un peu). 
L'IANA est une fonction, pas une organisation (aujourd'hui, la fonction 
IANA est assurée par l'ICANN, suivant le MoU décrit dans le RFC 2860). 
Les documents IANA relatifs à ce rôle de registre des nombres sont 
notamment le "ICANN Address Supporting Organization (ASO) MoU 
<http://archive.icann.org/en/aso/aso-mou-29oct04.htm>", le "ICP-2: 
Criteria for Establishment of New Regional Internet Registries 
<http://www.icann.org/icp/icp-2.htm>" et le "Internet Assigned Numbers 
Authority (IANA) Policy for Allocation of ASN Blocks to Regional 
Internet Registries 
<http://www.icann.org/en/resources/policy/global-addressing/global-polic
y-asn-blocks-21sep10-en.htm>". En pratique, les politiques d'allocation 
sont plutôt du ressort des RIR (décrits à l'origine dans le RFC 1366) 
et ces politiques doivent plutôt être cherchées sur les sites Web des 
RIR.

Mais d'autres organisations jouent aussi un rôle comme l'IETF qui 
édicte les normes techniques (mais, normalement, pas les politiques 
d'allocation précises, voir le RFC 6177 pour un exemple de débat) et 
qui réserve certains nombres (RFC 6890). La section 5 revient 
d'ailleurs sur les rôles respectifs de l'IETF et de l'ICANN.
 
La section 4 du RFC quitte ces considérations organisationnelles (ou 
bureaucratiques, si on veut être plus méchant) pour la technique, en 
notant qu'il est aussi de la responsabilité des registres de nombres de 
fournir un service de résolution DNS d'adresses IP en noms (via la 
gestion de domaines en in-addr.arpa et ip6.arpa) et d'assurer un 
service whois conforme à la norme technique (RFC 3912).

La section 6 décrit les changements depuis le RFC 2050, il y a dix-sept 
ans (lorsque l'ICANN n'existait même pas). Par exemple, le RFC 2050 
décrivait un mécanisme d'appel à l'IANA lorsqu'on était mécontent d'une 
décision d'un autre acteur. Ce mécanisme a été supprimé (les RIR ont 
des procédures internes d'appel, par exemple le RIPE-NCC 
<http://www.ripe.net/ripe/docs/ripe-502>).


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Liste de diffusion du FRnOG
http://www.frnog.org/

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