Hello la liste,
[ Avertissement (*) : les experts de canapé en géopolitique
internationale seront priés de rester dans leur canapé. Il s'agit ici de
discuter de la validité juridique / applicabilité de telles mesures au
niveau des intermédiaires techniques Internet, pas de l'efficacité
politique ou geostratégique.]
TL;DR : Eu égard aux actions de destabilisation de l'Ukraine par la
Russie, l'Union Européenne a décidé le blocage de chaines TV Russes sur
le sol Européen. Il n'est pas acquis à ce stade que ce blocage concerne
également les sites Web en l'absence de tout acte législatif, décision
de justice ou décision d'une autorité administrative visant les noms de
domaines concernés. Du coup, vous faites comment ?
Au cas où vous ne l'auriez vu passer, en réponse à la situation de crise
en Ukraine, l'Union Européenne par la voie du Comité des Représentants
Permanents a complété les mesures restrictives visant la Russie.
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=OJ:L:2022:065:TOC
Pour faire simple, les chaines RT & Sputnik sont désormais bloquées au
niveau de l'Union tant que durera cette situation de crise.
Si le volet audiovisuel ne souffre guère de difficultés d'interprétation
(même si on peut s'interroger sur la solidité juridique du truc
<https://verfassungsblog.de/the-eus-ban-of-rt-and-sputnik/>, mais il
n'appartient pas à un intermédiaire technique de se substituer à un
éditeur de contenu), l'application au niveau des réseaux de transport,
transit et accès Internet est loin d'être aussi évidente que l'assènent
à longueur de déclarations les pouvoirs publics.
Car si le Règlement Internet Ouvert
<https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32015R2120>
n'interdit nullement le blocage par un intermédiaire technique de
contenus et services Internet, il rappelle que ce n'est pas open bar
pour autant et qu'il faut pour cela (article 3) soit un acte législatif,
soit une décision de justice, soit une décision d'une autorité
administrative indépendante.
Or rien de tout cela jusqu'à présent :
1 - le règlement (UE) 2022/350 du Conseil du 1er mars 2022 modifiant le
règlement (UE) no 833/2014 concernant des mesures restrictives n'est pas
un texte législatif comme le précise la une du Journal Officiel de
l'Union Européenne n°65
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=OJ:L:2022:065:TOC
2 - Ensuite, le texte vise les fournisseurs de services Internet mais
pas les fournisseurs d'accès Internet :
---
«Article 2 septies
1. Il est interdit aux opérateurs de diffuser ou de permettre, de
faciliter ou de contribuer d’une autre manière à la diffusion de
contenus provenant des personnes morales, entités ou organismes énumérés
à l’annexe XV, y compris par la transmission ou la distribution par tout
moyen tel que le câble, le satellite, la télévision sur IP, les
fournisseurs de services internet, les plateformes ou applications,
nouvelles ou préexistantes, de partage de vidéos sur l’internet.
2. Toute licence ou autorisation de diffusion et tout accord de
transmission et de distribution conclu avec les personnes morales,
entités ou organismes énumérés à l’annexe XV sont suspendus.».
---
3 - Enfin, et surtout, les contenus ne sont pas précisément désignés, au
mépris des règles de procédures lorsque le blocage est ordonné par un
juge ou une autorité administrative. Il est en effet de jurisprudence
constante que les opérateurs ne peuvent être tenus à une obligation
générale de surveillance et qu'à ce titre ils ne peuvent bloquer sur une
injonction générique : les noms de domaines doivent être identifiés.
(pour une récente illustration,
<https://cdnx.nextinpact.com/data-next/file-uploads/Ordonnance%207%20février%20de%20beInSportsFrance.pdf>
: on ne peut bloquer que ce qui est précisément désigné)
Le Berec, le boss de fin de niveau des ARCEP nationales, estime pour sa
part que le Règlement Internet Ouvert ne fait pas obstacle à la mise en
oeuvre des mesures restrictives, tout en renvoyant aux régulateurs
nationaux pour l'application.
<https://berec.europa.eu/eng/news_and_publications/whats_new/9321-berec-open-internet-regulation-is-not-an-obstacle-in-implementing-eu-sanctions-to-block-rt-and-sputnik>
A l'inverse, Benjamin Bayart, l'idole des geeks du FRnOG estime que non.
<ttps://www.nextinpact.com/article/50031/blocage-rt-et-sputnik-operateurs-francais-en-attente-consignes-claires>
Notons également qu'à l'échelle de l'Union, si des FAI ont déjà bloqué
(au niveau de l'accès Internet, le service TV reste autre chose), une
part très significative de FAIs n'a pour l'instant pas bloqué au niveau
de l'accès Internet.
Enfin, dans un état de droit, même des présumés très méchants peuvent
contester des mesures restrictives les concernant. C'est ainsi que les
tribunaux européens vont être amenés à se pencher sur la validité des
décisions de blocage.
<https://twitter.com/CourUEPresse/status/1501236380311109639>
Du coup, vous faites comment ?
1 - vous bloquez. Dans ce cas, sous quelle modalité, et quelle est la
liste des noms de domaines concernés ?
2 - vous ne bloquez pas dans l'attente de consignes claires ou d'une
décision de justice. Avez-vous obtenu un retour concret de l'ARCEP, vers
qui renvoie sur cette question le BEREC ?
3 - Obi-wan Kenobi.
(*) : oui, je sais peine perdue, on est sur sur FRnOG, mais comme ça
Philippe pourra agir sans sommation face aux dérives
--
Alec,
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Liste de diffusion du FRnOG
http://www.frnog.org/