Immigration clandestine
Un drame humain aux portes de l’Europe
 THIAM MAMADOU- LE CALAME N° 555 du 27 septembre 2006
 
L’immigration clandestine constitue aujourd’hui un véritable casse-tête pour les États du Nord comme ceux du Sud. Au tout début de l’aventure périlleuse, des hordes de jeunes désœuvrés en quête d’une vie meilleure. Nouadhibou, la capitale économique de la Mauritanie, était la "nouvelle porte de l’Europe", en raison de la proximité  des îles Canaries, distantes de 700 km et nécessitant trois  à  quatre jours de navigation.  C’est ce qui justifie le choix des filières de l’émigration clandestine.  Un choix périlleux. Des centaines de corps seront rejetés par la mer. On estimera à plus de 1.500, le nombre de personnes ayant perdu la  vie, au cours de la traversée, en mars 2006. Rien ne peut dissuader ces centaines, voire ces milliers des jeunes à emprunter les pirogues à partir des côtes ouest africaines. Confrontées à ce phénomène aussi complexe, les autorités de Nouakchott décideront d’engager la battue contre les candidats à l’immigration clandestine, constitués en grande majorité par des Sénégalais, des Maliens, des Libériens, des Sierra léonais et des Camerounais; les mauritaniens étant peu nombreux parmi ces candidats au suicide.
 
Mesures renforcées
 Avec le durcissement de la situation, des contrôles plus poussés et l’élaboration d’un arsenal de mesures répressives en Mauritanie, les réseaux des passeurs ont changé de cap en opérant dorénavant au Sénégal, en Guinée-Bissau et en Gambie. Outre l’aide fournie à la Mauritanie par l’Espagne avec l’ouverture d’un centre de transit à Nouadhibou et la fourniture de vedettes de surveillance, le principe de patrouilles mixtes sur le littoral nord mauritanien, théâtre d’une série de drames, avait été arrêté. Actuellement, le phénomène a été quasiment endigué avec une limitation importante des départs à partir des côtes mauritaniennes. Cette batterie de mesures tourne autour de l’augmentation des postes de contrôle aux frontières terrestres et maritimes, le renforcement des contrôles relais par des équipes motorisées, le renforcement de la surveillance des eaux territoriales, des ports et aéroports, l’aménagement et l’équipement de sites temporaires pour accueillir les candidats à l’immigration clandestine trouvés sur le territorial mauritanien, l’application rigoureuse des règlements en matière de répression du phénomène de l’immigration, le renforcement des capacités de la police et des autres services concernés par la gestion de l’immigration, le démantèlement des réseaux de passeurs à l’intérieur des frontières, le renforcement de la coopération sous régionale, régionale et internationale pour identifier et mettre hors d’état de nuire les marchands d’illusions. Des mesures qui ont eu l’avantage de décourager les candidats à l’immigration ainsi que leurs convoyeurs vers les berges des Îles. De nombreux candidats seront expulsés vers leurs pays d’origine.
Dans le populeux département de la Sebkha (Nouakchott), des maisons  entières louées par des passeurs à 30 ou 40.000 UM servaient de logis aux candidats à l’émigration. Il n’était pas rare de voir 30 à 40 personnes, des jeunes adolescents généralement partageant trois à quatre chambres dans une demeure en piteux état. Les anciens intermédiaires pour l’obtention de visas, ces personnes censées faciliter la délivrance de visas aux demandeurs moyennant 400 ou 500.000 UM se sont mus en convoyeurs. B. Keïta, charretier, vient de la région de Kayes et était candidat au voyage. Il faisait la collecte primaire d’ordures de porte-à-porte moyennant 500 UM par mois et par foyer avant de se résoudre, avec l’arrivée d’une ONG locale qui a "mauritanisé" le secteur, à changer de vocation. B. Keïta vend de l’eau dans le fût. Il espérait, comme ses autres compatriotes aller à Nouadhibou et plus tard aux îles Canaries. Certains, dit-il, sont partis et peut être qu’ils sont morts, parce qu’ils n’ont jamais appelé. Ceux qu’ils l’ont fait, c’est au Mali. Ils ont été appréhendés, lors de l’embarquement ou en mer et expulsés chez eux. La mort dans l’âme, B. Keïta n’est pas arrivé à réunir les 400.000 UM nécessaires au voyage. Autre problème, les passeurs se dérobent maintenant. Parce qu’ils sont traqués. Il n’y a plus de voie. Que faire? s’interroge-t-il. "J’attends". B. Keïta mesure à sa juste valeur les risques encourus, mais "il faut bien que je gagne ma vie même si le voyage dans des embarcations de fortune est dangereux". Découragés par l’absence de toute chance de travail décent chez eux, beaucoup de jeunes, à l’image de B. Keïta, risquent leur vie pour trouver ailleurs, en Europe, de meilleures possibilités d’emploi qui se transforment souvent  en illusions. En Europe, les jeunes migrants occupent souvent des emplois que les nationaux ne sont pas disposés à prendre. Selon l’agence IRIN, depuis le début de l’année 2006, 23.000 immigrants clandestins, originaires pour la plupart d’Afrique de l’Ouest, ont débarqué sur les côtes des Îles Canaries dans l’espoir d’être transférés en Espagne continentale, et près de 1.000 se seraient noyés pendant la traversée, indique de son côté la croix rouge espagnole. Mais l’afflux de ces 23 000 clandestins subsahariens, ces derniers mois commence, selon l’AFP, à provoquer des réactions de colère et de rejet parmi les habitants de cet archipel espagnol.
 
Rien ne peut nous arrêter !
Et malgré les risques de la traversée, beaucoup de jeunes ouest africains sont prêts à tenter l’aventure, souligne l’agence IRIN, frustrés qu’ils sont par l’absence d’opportunités d’emplois dans leur pays, mais galvanisés par les témoignages de ceux qui ont réussi à s’installer à l’étranger.
Voici le témoignage du deuxième jeune Sénégalais, candidat malheureux à l’immigration clandestine, interrogé par IRIN.
Assane Dia, 25 ans se voyait déjà à Valence, une ville de la côte est espagnole. Là-bas, pensait-il, il trouverait un emploi mieux rémunéré et plus satisfaisant que celui de carrossier peintre automobile qu’il effectuait dans un atelier de mécanique à Dakar. Avec un faible salaire et sans sécurité d’emploi, Assane y a travaillé neuf ans car il n’avait pas d’autre choix.  "Tu peux rester  un mois sans avoir un marché et s’il y a en, c’est le patron qui se tape les sous pour nous laisser les miettes. Ici, tu travailles à mort pour ne rien réaliser de ta vie, donc il faut tenter quelque chose", explique-t-il.
Puis un ami immigré en Italie lui a proposé de lui offrir les 300 000 francs CFA (environ 600 dollars) que lui demandaient les piroguiers pour le voyage vers les îles Canaries. Ces derniers lui faisaient une faveur puisqu’il les connaissait bien.  Mais les parents d’Assane ont tenté de le dissuader d’entreprendre ce voyage, arguant que la traversée en mer pouvait s’avérer dangereuse. "Les parents disent que la mer n’est jamais sûre. C’était difficile à vivre car j’ai hésité pendant une semaine et puis je me suis décidé à partir", raconte-t-il.
La traversée a été difficile car la mer était déchaînée. À peine arrivé aux îles Canaries, il a été appréhendé par la police espagnole et rapatrié au Sénégal. De retour au pays, son père a confisqué son passeport et fait le tour des ambassades pour tenter d’obtenir un visa pour Assane afin qu’il puisse se rendre en Europe en toute légalité et en toute sécurité. Mais à ce jour, il n’a toujours pas obtenu de visa.
Assane a repris son travail de carrossier peintre automobile en attendant que les démarches de son père aboutissent et rêve de repartir.
Malgré son court séjour dans les îles Canaries où il eu l’occasion de disputer un tournoi international de football avec d’autres immigrants clandestins, détenus comme lui dans un camp en attendant leur rapatriement, Assane est convaincu que la vie est bien meilleure en Europe. "Je me dis toujours que le voyage est risqué mais dès que tu arrives, tu oublies toute cette peine, même s’il y a des gens qu’on recueille épuisés pour les transporter dans des brancards", explique-t-il.
Et Assane n’a pas de mots assez durs pour critiquer les annonces faites par les autorités sénégalaises pour tenter de freiner l’émigration clandestine. "Il n’y a que les jobs décents qui peuvent arranger la situation, pas les déclarations intempestives de politiciens qui ne font qu’encourager l’immigration clandestine. C’est parce qu’on n’arrête pas les discours que les jeunes partent, ils n’y croient plus. Je ne vois pas la muraille qu’ils vont dresser en mer pour empêcher les départs". Madrid n'est pas l'Eldorado promis aux passagers des pirogues, rétorque l’agence sénégalaise de presse. Des Africains, dont des Sénégalais qui ont emprunté les pirogues à partir des côtes ouest africaines (Sénégal, Guinée-Bissau, Gambie), sont arrivés ces derniers temps par petits groupes à Madrid.
Au bout de quarante jours, il sont en principe convoyés des Canaries vers le continent et livrés à eux-mêmes. Mais certains restent moins longtemps dans les centres de rétention.
On rencontre ces nouveaux aventuriers notamment à Lavapies, le quartier des Sénégalais de Madrid. Tel ce jeune homme habitant de la Médina à Dakar, qui a fait la traversée pendant neuf jours à bord d'une pirogue ou 90 autres passagers avaient pris place.
Aujourd'hui hébergé par un Sénégalais qui l'a croisé dans la rue, il a déboursé 400.000 francs pour accomplir son voyage.
Un autre, pêcheur de son état, a conduit une pirogue de Kayar à Nouadhibou avant de faire cap vers les Canaries, au bout d'une dizaine de jours.
Un troisième, qui ne veut pas raconter son odyssée, atteste seulement qu'il a trouvé un petit boulot qui lui permet de subsister.
En fait de boulot, il est tombé sur un ancien qui lui a refilé quelques CD à écouler. Le filon est intéressant, selon ses dires, mais son quotidien est fait de parties de cache-cache avec les policiers qui interdisent cette activité passible d'une peine de prison, au même titre que l'occupation des rues piétonnières par des marchands.
Nombre de ces nouveaux arrivants n'ont pas trouvé un tuteur ou une âme charitable pour les secourir. Il est avéré que la plupart des aventuriers passent la nuit à la belle étoile et seraient, selon certaines sources, parmi ceux qui font la manche dans les bouches du métro madrilène.
 
Thiam Mamadou
+2226305579
 
 


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