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Mort de Monique Wittig
L'auteure du roman «Opoponax», «lesbienne radicale», s'était exilée aux
Etats-Unis.


 Par Claire DEVARRIEUX

mardi 07 janvier 2003



«Il n'y a pas de littérature féminine pour moi, ça n'existe pas. En
littérature, je ne sépare pas les femmes des hommes. On est écrivain, ou
pas.» Monique Wittig    La romancière et essayiste Monique Wittig est morte
vendredi 3 janvier à Tucson (Arizona), d'un accident cardiaque. Elle avait
67 ans, et vivait aux Etats-Unis depuis 1976. Ce sont les querelles internes
du mouvement féministe, dont elle a été une militante de la première heure,
qui l'ont amenée à s'exiler. Après avoir enseigné la littérature au
département de français de l'université d'Arizona, elle a continué sa
carrière du côté des «Women Studies».

On sait peu de chose de Monique Wittig, du moins, peu de chose d'ordre
anecdotique, tant elle avait peu d'inclination pour l'autobiographie. Née en
1935 dans le Haut-Rhin, à Dannemarie, elle a passé son enfance dans le
Rouergue, puis sa famille a déménagé dans la région parisienne. En 1964,
paraît son premier roman chez Minuit, l'Opoponax, qui reçoit le prix
Médicis. Marguerite Duras l'adoube dans France-Observateur, avec un texte
qui sera repris ultérieurement en postface.

«Règle de fer». Duras fait de l'opoponax un nom familier, et dit qu'on a
chacun le sien : «Mon opoponax, c'est peut-être, c'est même à peu près
sûrement, le premier livre moderne qui ait été fait sur l'enfance. Mon
opoponax, c'est l'exécution capitale de quatre-vingt-dix pour cent des
livres qui ont été écrits sur l'enfance. (...) C'est un livre à la fois
admirable et très important parce qu'il est régi par une règle de fer,
jamais enfreinte ou presque jamais, celle de n'utiliser qu'un matériau
descriptif pur, et qu'un outil, le langage objectif pur.» Deux ans plus
tard, quand le livre est traduit aux Etats-Unis, Mary McCarthy prend le
leadership du fan-club.

L'Opoponax reste le livre mythique de Monique Wittig. Une ribambelle de
petites filles y court, de la maternelle aux classes supérieures, sous la
férule des soeurs. Leur conscience nous parvient par l'intermédiaire d'un
«on» à la fois farceur et exalté. Chacune est une héroïne, Catherine Legrand
et Valerie Borge plus que les autres, car elles s'aiment. «Lesbienne
radicale», formule qui désigne autant une préférence sexuelle qu'un choix
politique, Monique Wittig ne mettra plus en scène que des femmes.

Le Corps lesbien (1973), les Guérillères (1969), Virgile, non (1985, tous
ces titres chez Minuit) décollent de la narration habituelle. Il n'y a plus
de représentation réaliste du monde, mais création d'un univers solaire et
révolutionnaire. La rupture est consommée avec la culture normative,
hétérosexuelle, ce que Monique Wittig allait appeler la Pensée straight
(traduit en France avec dix ans de retard en 2001 aux éditions Balland).
Pour elle, ce qu'on appelle l'écriture féminine est pire qu'un leurre, c'est
encore une manière d'envisager les femmes en fonction de la culture
masculine dominante.

En 1999, de retour à la littérature avec les fictions allégoriques de
Paris-la-politique (POL), Monique Wittig explique (Libération du 17 juin
1999) : «Il n'y a pas de littérature féminine pour moi, ça n'existe pas. En
littérature, je ne sépare pas les femmes des hommes. On est écrivain, ou
pas. On est dans un espace mental où le sexe n'est pas déterminant. Il faut
bien qu'on ait un espace de liberté. Le langage le permet. Il s'agit de
construire une idée du neutre qui échapperait au sexuel.»

«La tête coupée». La nouvelle qui donne son titre au recueil
Paris-la-politique est une parabole des mécanismes d'exclusion dans les
groupes gauchistes : «Tout le temps où j'ai été plongée dans cette substance
politique, j'en rêvais, j'ai connu la guillotine, la tête coupée. C'était
horrible.»

Monique Wittig, en compagnie notamment de Christiane Rochefort, était allée
déposer une gerbe à l'Arc de triomphe en hommage à «la femme du soldat
inconnu». C'étaient les débuts du MLF. Les dissensions allaient être ensuite
terribles.




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