Chères et chers collègues,

Vous trouverez ci-dessous & sur notre carnet
<https://traces.hypotheses.org/3766>un nouvel appel à contributions pour le
n° 45 de la revue *Tracés: *« Ghetto », coordonné par Alex Mahoudeau,
Anthony Pecqueux et Camilla Salvatore.
Les articles sont attendus pour le 1er octobre; d’ici là, des résumés
peuvent être envoyés aux coordinateurs-trice du numéro pour avis.
Toutes les modalités de soumission sont explicitées au bas de l’appel

Bien cordialement,
Jean-Baptiste Vuillerod, pour *Tracés*

PS : Dernières parutions de la revue: les numéros 40, Matières vivantes
<https://journals.openedition.org/traces/12080>, et 41, Batailles de la faim
<https://journals.openedition.org/traces/12520>. Prochaine parution : le
hors-série "Réseaux socionumériques et travail de la recherche" (3e volet
du cycle *Les sciences humaines et sociales au travail* initié en 2018).


*Appel à communications pour la revue Tracés (n° 45)*

*Ghetto*

*Numéro coordonné par Alex Mahoudeau, Anthony Pecqueux et Camilla Salvatore*

*Date limite de soumission des articles : 1er octobre 2022 – voir modalités
de soumission en fin d’appel.*

*Argumentaire*


De récentes études ont montré avec finesse combien les tout premiers
ghettos, les ghettos juifs d’Italie du XVIIè siècle, ne se limitaient pas à
figurer un espace contraint, mais incluaient une dimension de négociation
par laquelle les Juifs conservaient une forme d’agentivité, notamment
autour des règles ou des activités économiques (Gasperoni, 2018; Gasperoni,
Groppi, 2018). Cette expérience ambivalente du ghetto, dès l’apparition du
terme (en vénitien *géto* fait référence aux fonderies, lieux où le métal
était “jeté”), associe initialement le ghetto à un dispositif géographique
et matériel de mise à l’écart et de confinement d’un groupe dominé.

“Le ghetto était un espace paradoxal qui faisait des Juifs des parias du
fait de leur différence religieuse, sans les bannir physiquement.
Contrairement à l’Angleterre, la France, l’Allemagne, l’Espagne, et le
Portugal, qui expulsèrent leurs populations juives, la République
Vénitienne permit un établissement juif dans les marges au nord de la
ville”,

rappelle Dana Katz (2021), qui souligne l’importance de la dimension
architecturale du ghetto vénitien construit sur le sol particulièrement
instable de la lagune. Institution caractéristique de la réclusion des
populations juives d’Italie, le ghetto se retrouve par la suite en Europe,
puis aux États-Unis où le terme est repris et appliqué aux quartiers juifs
puis noirs, et popularisé notamment par la sociologie urbaine émergente
(Wirth, 1928). D’autres travaux ont proposé d’étendre la signification du
ghetto aux situations de rupture entre les différents groupes sociaux
français qui souhaiteraient vivre séparés les uns des autres (Maurin,
2004), voire aux quartiers d’auto-ségrégation socio-spatiale des classes
dominantes (Pinçon & Pinçon-Charlot, 2007). Pour éviter la confusion entre
ces définitions parfois peu compatibles entre elles, nous proposons de
repartir de l’idée que le ghetto qualifie un espace de relégation
caractérisé par une concentration et une séparation spatiale subies. Il se
distingue par là en partie du “quartier ethnique” qui procède en principe
d’affinités électives, en raison du fait que “la ségrégation y était
poreuse, produit de la solidarité immigrée et de l’attraction ethnique
plutôt qu’imposée par l’hostilité implacable des groupes extérieurs”
(Wacquant, 2005). Une distinction plus fine proposée par Peter Marcuse,
revisitée par Juliette Galonnier, marque la nuance entre l’enclave,
caractérisée par l’auto-ségrégation d’une minorité, la citadelle, définie
par celle d’un groupe dominant, et le ghetto, dans lequel une minorité
ethno-raciale, y compris les fractions supérieures de celle-ci, est exclue
de façon forcée sans que la possibilité de contrôler son environnement ne
lui soit reconnue (Galonnier, 2015). La mise à l’écart semble de ce point
de vue être un élément déterminant de la “ghettoïsation”, à savoir une
exclusion accompagnée de mécanismes d’exploitation notamment économique,
les habitant-es du ghetto demeurant une force de travail et d’innovation
mobilisable dans la ville (pour la dimension d’innovation, voir par exemple
Tastevin, 2017). Souvent, cette exclusion se construit autour d’un rapport
d’exploitation économique (comme le montre l’activité de prêteurs des Juifs
des ghettos italiens) et culturelle, ainsi que de la mise en avant de
craintes du côté des institutions tant formelles qu’informelles et qui
peuvent prendre l’apparence d’un souci hygiéniste, ou passer par la
médiation de paniques morales, comme dans le cas de la crainte d’une
diffusion de l’épidémie de VIH depuis les “centres urbains” vers les
“banlieues”, marquée par la double stigmatisation des personnes noires et
des homosexuels dans les États-Unis des années 80 (Esparza, 2019). Ces
craintes peuvent trouver des prolongements dans l’imposition de stigmates
réputationnels, qui discriminent durablement les habitants du ghetto hors
de ses limites (Dulong, Paperman, 1992).


Si le ghetto contraint, il permet aussi une certaine agentivité, voire une
créativité sociale et culturelle. En effet, ainsi que le précise Loïc
Wacquant, les ghettos, en délimitant des espaces, créent les conditions de
production des assignations collectives pour les populations qui y vivent.
C’est-à-dire qu’

“il est un *dispositif de protection et d’intégration *dans la mesure où il
soulage ses membres du contact constant avec les dominants et qu’il
favorise la “consociation” et la construction communautaire au sein de la
sphère restreinte des relations qu’il crée. L’isolement forcé vis-à-vis de
l’extérieur conduit à l’intensification des échanges sociaux et du partage
culturel à l’intérieur” (Wacquant, 2012).

En permettant la construction des rapports sociaux (en particulier de
classe et de race) qu’il est censé gérer, le ghetto permet ainsi de les
appréhender de façon heuristique tout en rejetant toute forme
d’esssentialisme et de réification. La réappropriation de ces assignations
collectives par les habitants peut du reste leur servir de ressources dans
des productions culturelles. Le géographe Séverin Guillard, notamment, a
montré la façon dont une production musicale comme le rap prenait ses
racines dans des espaces socialement ségrégués, mais visait parfois à
renverser l’ordre symbolique entre ces derniers et les “centres” auxquels
ils sont subordonnés (2017), par exemple en plaçant Saint-Denis largement
devant Paris. À la fois dispositif de politique publique, lieu et
institution, le ghetto peut ainsi être rapproché des camps de réfugiés
(Agier, 2014), qui contrairement aux nombreux arguments sur leur statut
“d’espaces d’exception” demeurent des espaces de production de l’urbain
(Doraï & Puig, 2011), bien qu’ils soient touchés par des tentatives
similaires de marginalisation et de contrôle (Bernardot, 2008). Cette
production d’urbanité (qu’on ne retrouve pas toujours dans d’autres lieux
de réclusion comme la prison, par exemple) est une autre façon de qualifier
l’ambivalence qui caractérise ces espaces, en contrepoint du côté sombre
qu’ils charrient au premier abord et parfois uniquement. Est-ce bien
toujours le cas – notamment quand l’acception métaphorique du terme
l’emporte sur sa dimension matérielle, spatiale?


L’ambition de ce numéro est d’aborder le ghetto en posant la primauté de
son caractère matériel, pour voir les façons dont il peut être saisi comme
objet d’enquête et comme concept. Nous invitons différent-es praticien-nes
des sciences sociales issu-es tant de l’histoire, de la sociologie, de
l’anthropologie, de l’architecture et de la géographie, mais aussi de la
littérature, de la linguistique, de l’économie, des arts (musique,
spectacle, cultures visuelles…), du droit, de la philosophie, de
l’urbanisme et des sciences politiques à s’emparer de ces questions. Il est
attendu des propositions qu’elles décrivent le caractère concret des
ghettos qu’elles souhaitent enquêter et analyser – quitte à ce que
l’enquête les mène aussi vers des acceptions métaphoriques, notamment
celles portées par les acteurs sociaux eux-mêmes. Trois axes structurent
cet appel à contributions: le ghetto comme forme urbaine; comme frontière
et occasion de circulations; et enfin comme ressource créative.

*Axe 1: Le ghetto comme forme urbaine: approche historique et spatiale*


Historiquement, il convient d’appréhender le ghetto en tant que dispositif
faisant l’objet de circulations. “Inventé” à Venise, il se diffuse en
Italie, puis en Europe et dans l’Empire Ottoman, et aux États-Unis et
ailleurs, au Japon par exemple (Wacquant, 2012). Replacer le ghetto et ses
imaginaires dans les pratiques de l’enfermement et de la marginalisation en
général permettrait de situer cet objet en relation avec les techniques du
camp, du* slum*, du bidonville, etc., et leurs variations locales.


Nous proposons donc comme angle premier pour ce numéro d’appréhender le
ghetto comme une forme urbaine, localisée en un temps et un lieu
particulier, dont le sens a fait par la suite l’objet d’une montée en
généralité, de luttes conceptuelles ou d’usages métaphoriques s’appuyant
sur un ou plusieurs des traits définitionnels initiaux. Dans son état des
lieux sur la question, Loïc Wacquant (2005) montre comment, de terme
utilisé par les acteurs eux-mêmes et se référant spécialement à ces parties
des villes étatsuniennes habitées par les Juifs européens, le signifiant
“ghetto” en est venu à désigner les quartiers ethniques:

“‘Petites Siciles, Petites Polognes, Chinatowns et Ceintures Noires de nos
grandes villes’, ainsi que les ‘zones de vice’ abritant les types sociaux
déviants tels que les *hobos*, bohémiens et autres prostituées” (*ibidem*,
p. 6).

Cette perspective ignore toutefois la spécificité du ghetto en confondant
des phénomènes de regroupement par affinités électives et une forme
d’enfermement imposée, tant aux Juifs en Europe de l’Est qu’aux Noirs aux
États-Unis. C’est cette forme d’enfermement, en particulier, qui est
étudiée dans un autre classique de la sociologie, *Les Noirs de
Philadelphie*, par William EB Du Bois (2019), qui voit dans le mécanisme de
formation des taudis de Philadelphie où vivent les Noirs un effet matériel
et spatial du racisme. Pour Du Bois, c’est également  la confrontation au
ghetto juif de Varsovie qui forme la compréhension du phénomène du racisme:

“le ghetto de Varsovie m’a aidé à sortir d’un certain provincialisme vers
une conception plus large des manières dont la lutte contre la ségrégation
raciale, contre la discrimination religieuse et l’oppression des pauvres
devait évoluer, pour que la civilisation puisse se répandre et triompher
dans le monde” (1949, p. 134).

Cet effet matériel de dynamiques culturelles est par la suite analysé
également sous l’angle des politiques publiques, en particulier via la
pratique du *redlining* (pratique de discrimination consistant à
restreindre l’accès à la propriété ou à la location aux minorités raciales
dans certains quartiers), qui ancre les rapports sociaux de race dans le
tracé même des villes (Rothstein, 2017), dans le contexte étatsunien de
ségrégation raciale.


Pour reprendre les mots de Wacquant (2005), le ghetto pourrait donc être
appréhendé comme un véritable “produit de pouvoir asymétrique entre
groupements ethno-raciaux: une forme spéciale de violence collective
concrétisée dans et par l’espace urbain” (p. 12). Dans cette optique, c’est
en s’inspirant du concept de “gouvernementalité” de Foucault que Picker,
Greenfield & Smith (2015) ont pensé aux ghettos urbains comme à des lieux
d’exercice des “technologies politiques spatio-raciales” (*ibidem*) qui
permettraient de contrôler, par l’emploi de technologies récentes (par
exemple par des caméras de surveillance), des espaces relativement clos qui
séparent physiquement et socialement les habitants du centre de la ville.
Comment ne pas penser à l’emploi massif de ces technologies dans ces
dernières années de crise sanitaire (COVID-19) où la nécessité de rester
chez soi a été mise en œuvre de manière assez généralisée? Ce qu’il s’est
passé dans certains ghettos tsiganes de Bulgarie en est un exemple clair:
les quartiers ont été clos, la présence policière intensifiée et de
véritables couvre-feux ont été établis afin de régler la sortie des
habitants qui se sont trouvés ainsi “walled in by fear” (Canut, 2018) –
enfermés par la peur non seulement de la criminalité mais aussi du contact
et de la contagion. C’est aussi ce qu’il s’est passé aux États-Unis où la
relégation des noirs américains (Massey, Denton, 1988) et les disparités
dans l’accès aux services de santé (Raudenbush, 2020) les ont plus exposés
à la contagion au COVID-19.


Ni tout à fait concept, ni tout à fait phénomène dénué de
conceptualisation, le ghetto renvoie plutôt à ce que Louis Quéré (1994)
appelle un objet sémiotique ou artefact sémantique, c’est-à-dire un objet
déjà stabilisé “sous une description” (Mink, 1978) (qui est catégorisante,
schématisante, etc.).1
<https://traces.hypotheses.org/3766#footnote_0_3766> Pour
autant, l’histoire de cette stabilisation reste à faire, notamment
l’histoire de l’utilisation de cette catégorie descriptive pour des espaces
précis: comment en vient-on à décrire tel espace comme un ghetto, avec ce
que la description sous ce terme emporte avec elle de dispositifs, mais
aussi d’horizons d’attente et de normativité pour celles et ceux qui
entendent cette description, ou encore de charge réputationnelle pour les
habitants dont le lieu de vie est soumis à une telle description…?


Lieux de mise à l’écart et d’enfermement, les ghettos sont en même temps
des lieux de constructions identitaires et de production d’histoire et de
culture. Il est ainsi possible de penser à la mise en tourisme d’espaces
comme les *townships* en Afrique du Sud, le quartier juif de Cracovie (voir
Ruthers, 2014, sur la revalorisation de ce quartier par le moyen de
festival annuel de musique klezmer) ou comme Harlem à New-York. Mary
Pattillo (2007) a pu montrer la façon dont la revitalisation de ces
quartiers au nom de la valorisation de leur “identité raciale” n’a pas été
une simple affaire de “communauté” et a impliqué des mécanismes
d’appropriation et de marginalisation, participant de processus de
gentrification. Comment se produisent ces valorisations, qui en bénéficie,
et qui les subit? Quels sont les discours légitimes et illégitimes les
concernant? Quelles sont les formes alternatives, critiques, ou
émancipatrices de ces phénomènes? Comment se reproduit le ghetto, et quand
cesse-t-il d’en être un? Autant de questions qui invitent à des approches
comparatives autant que monographiques non pas sur le ghetto en général,
mais sur des ghettos particuliers.

*Axe 2: Frontières et circulations: diversité des expériences du ghetto*


Si donc la forme urbaine du ghetto peut renvoyer, de manière plus ou moins
métaphorique, à une idée de clôture ou de fermeture, ou pour le moins
d’isolement et de contrôle, ces notions ne sauraient épuiser ce que les
habitants du ghetto font ou peuvent faire de leur situation. Même dans les
institutions totales, notait Erving Goffman, l’emprise ne saurait être
complète: la communication verbale peut bien y être interdite, cela
n’empêche pas d’autres formes de communication d’émerger (Goffman, 1968),
par adaptation secondaire. On peut dans ce cadre penser au récent livre de
Judy Batalion (2022) sur les femmes des ghettos d’Europe de l’est et leurs
résistances discrètes face aux nazis. Plus spécifiquement concernant le
ghetto, l’école de Chicago de sociologie en a fait une de ses thématiques
récurrentes, à travers le classique de Louis Wirth (*The ghetto*, 1928) et
de nombreuses autres études d’écologie urbaine – au moment où les formes
urbaines mêmes de Chicago changeaient considérablement, avec l’afflux de
nouveaux habitants. Dans cette approche, le ghetto est compris comme une
des différentes aires naturelles qui forment la ville, saisie sous la
métaphore de la mosaïque; cette aire naturelle qu’est le ghetto est insérée
dans le processus migratoire, voire dans le processus d’urbanisation des
migrants. Les différentes aires paupérisées de la mosaïque, et
spécifiquement le ghetto, renvoient à ce que la ville produit
continuellement en matière de ségrégation sociale et spatiale; cependant,
et c’est l’intérêt de la métaphore de la mosaïque, ces aires ne
fonctionnent pas en vase clos mais forment système entre elles dans le tout
de la mosaïque / ville. C’est dire combien la ville ne saurait se penser
sans les formes de mobilité qu’elle contribue également à rendre possibles
et que les habitant-es du ghetto cherchent à exploiter à la moindre
occasion (voir Joseph, 1983, pour une synthèse éclairante). En somme, la
ville assigne dans le ghetto, et permet la sortie du ghetto: comme un
mouvement de balancier inscrit dans les mobilités urbaines et plus
généralement dans l’expérience de la métropole.


Ce principe du balancier entre ségrégation et mobilité, acquis majeur de
l’école de Chicago, présente l’avantage d’appeler des analyses nuancées,
qui évitent le double écueil du populisme et du misérabilisme (Grignon,
Passeron, 1989). Le présent appel à articles invite par conséquent à
décrire les ambivalences, la diversité des expériences du ghetto ainsi que
les domaines d’application de ce balancier. Le travail et l’économie (y
compris souterraine) fournissent évidemment de puissantes occasions pour
sortir du ghetto; d’autres ressources sont également centrales, comme les
réseaux (locaux, familiaux, dans les cas de migrant-es, etc.), mais aussi
des qualités comme la “débrouillardise” ou “l’autochtonie”, qui sont
construites de façon toujours localisée dans des réseaux géographiques plus
vastes que le seul ghetto (Hilgers, 2011). Ces allers et retours, plus
largement tous ces mouvements entre les aires qui font sortir du ghetto
tout en y ramenant, tendent à compliquer la métaphore de la mosaïque
utilisée pour la métropole – et dont le ghetto fournit une pièce – et
invitent à s’intéresser aux “comportements frontières” (Joseph, 1983). De
tels comportements gagneraient à être explorés dans toute la diversité et
toute l’épaisseur de leur étendue, comme les figures du sniper et plus
récemment du djihadiste nous y invitent. En effet, la figure du sniper
(Joseph, 1992) sape les principes d’accessibilité et de visibilité de
l’espace public urbain en s’attaquant au passant singulier, et empêche les
circulations à partir d’une position frontière, en surplomb – et dénie
ainsi le droit de visite dans un territoire. La figure du djihadiste
(Stavo-Debauge, 2016) s’attaque de son côté à ce que l’urbanité produit de
rassemblements (places, promenades, gares et aéroports, etc.), en
réussissant le jour de l’attaque à y évoluer de manière compétente (sans
attirer l’attention), mais aussi en ayant bénéficié de bases arrières qui
lui ont permis de préparer son coup – le ghetto devenant un espace
d’embrigadement et de repli. À ce titre, le sniper comme le djihadiste,
“créatures monstrueuses de la ville elle-même” (*Ibid.*), manifestent des
versions inattendues du balancier ghetto / espaces centraux, et invitent à
en repenser les frontières et les circulations. Ces figures, comme celles
du débrouillard ou de l’autochtone plus haut, ne sont pas à prendre au pied
de la lettre (pas même dans leur supposée négativité), mais pour stimuler
l’imagination anthropologique (au sens large) et inviter les contributrices
et contributeurs à proposer des analyses renouvelées de la tessiture des
figures du ghetto.

La question des frontières et des comportements associés gagnerait aussi à
être analysée du point de vue de l’immédiat extérieur du ghetto: dans son
analyse des camps palestiniens, Daniel Meier montre ainsi la façon dont les
camps et les quartiers adjacents se ressemblent sur le plan matériel et
peuvent selon les périodes se confondre socialement ou au contraire faire
l’objet d’une séparation qui renforce les identités collectives des deux
côtés de la frontière (2008).


Ces premiers éléments visent à problématiser les liens multiples et
ambivalents entre le ghetto et les autres mondes sociaux environnants. Un
autre champ d’investigation possible aurait trait aux interactions
quotidiennes, notamment si l’on suit les analyses de Hoggart en termes de
“nous contre eux” (1970) ou celles convergentes de Du Bois concernant la
double conscience et la double vue (Du Bois, 2007 ; Rawls, Duck, 2020 ;
Chanial, 2021): si la double conscience fonctionne pour Du Bois comme
conscience de soi et d’être vu différemment par les Blancs, elle dote d’un
don de

“‘double vue’ qui les rend capables de se voir à la fois tels que les
Blancs les voient, comme des inférieurs, mais aussi, au sein de leur
communauté, comme des égaux” (Chanial, p. 306).

Il s’agirait de porter une attention accrue aux manières ordinaires
d’interagir (d’engager la conversation, des regards réciproques, etc.) des
habitants du ghetto entre eux (“nous”), mais aussi avec des membres
d’autres mondes sociaux (“eux”), et ce à partir d’une hypothèse générale
issue de ces travaux et selon laquelle les habitants du ghetto se
sentiraient vus / considérés / reconnus (ou non – l’absence de
reconnaissance étant centrale dans les interactions quotidiennes) d’une
manière négative par ceux qui n’en sont pas (que ce soit pour des raisons
raciales, sociales, ou entremêlées). Et en retour – seconde hypothèse – ils
développeraient entre eux (“nous”) des formes d’interaction basées sur une
présomption d’égalité. Dans l’un comme l’autre cas, on sent combien ces
caractérisations générales laissent une grande place pour documenter et
analyser les ambivalences, les comportements frontières.


Notamment, ces questions d’interactions quotidiennes doivent connaître des
nuances selon le genre. D’un côté, dans son ethnographie des canopées
cosmopolites, lieux dont l’atmosphère permettrait des interactions
interraciales relâchées, Elijah Anderson note en creux l’existence d’autres
lieux, beaucoup moins idéaux, spécialement pour les (jeunes) hommes noirs,
en l’occurrence les transports en commun où ils peuvent faire un trajet
entier sans que personne ne vienne à leur côté, et ce alors que la rame est
bondée:

“L’homme noir peut constituer pour les Blancs un repoussoir juste parce
qu’il est noir, et la défiance suscitée sera d’autant plus forte qu’il est
jeune ou de style ‘ghetto’” (Anderson, 2019, p. 131).

D’un autre côté, les femmes ont sans doute des expériences différentes
d’entrée / sortie du ghetto, et des interactions ou des évitements. On peut
songer aux activités de *care*, très largement féminisées (travailleuses
domestiques, nourrices, aides-soignantes, aides à domicile, médiatrices
culturelles des ONG qui opèrent dans les quartiers “problématiques”…), et à
ce que ces activités impliquent en termes de venue sur le territoire de
l’autre et d’interactions. Toutes ces expériences gagneraient à être
documentées précisément et problématisées selon la perspective proposée ici.


*Axe 3: Le ghetto comme ressource*


On a vu avec l’exemple du ghetto juif de Venise que dans l’histoire la
plupart des ghettos sont nés pour mettre à l’écart dans un espace
physiquement délimité une partie de la population appartenant à des groupes
sociaux ou ethniques spécifiques, considérés comme différents et dangereux
pour l’ordre public comme pour la santé publique. En même temps, cette mise
à l’écart permettait de réguler et contrôler leurs activités économiques,
comme cela était le cas du ghetto juif de Venise. Aux États-Unis, les *black
cities* ont été vues comme des lieux physiquement et socialement délimités
non seulement par des murs, enceintes et autres éléments architecturaux de
délimitation, qui servent à “enfermer dehors” (Agier, 2014) les habitants;
mais aussi par la “ligne du partage des couleurs” (Du Bois, 2019) qui
sépare les groupes racialisés. Toutefois, l’autre visage du *ghetto *est
celui d’un lieu où l’agentivité des habitants peut s’exprimer à travers
différentes manières de faire ville, c’est-à-dire de transformer un lieu
apparemment hostile et vide (comme les campements de réfugiés, les *slums* et
les bidonvilles), en un “chez soi” (Agier, 2014). Cela peut advenir, par
exemple, par le développement de commerces et d’échanges informels, du
micro-entrepreneuriat et de l’auto-construction des maisons ainsi que par
la formation de nouvelles alliances locales ou par le renforcement de
celles déjà existantes (voir Pollak, 1982, dans le cas de l’homosexualité
masculine). Dans le ghetto, il serait donc possible d’observer des
processus de cohésion interne (Picker, 2017) similaires à ceux qui ont lieu
dans d’autres espaces d’enfermement:

“lorsque le refuge a été trouvé dans des contextes de survie, d’hostilité
de l’environnement, c’est le contexte le plus propice à l’enfermement
identitaire: chacun se protège, à l’extérieur et à l’intérieur, parce qu’il
a trouvé un lieu de survie” (Agier, 2014, p.116).

Alice Goffman montre par exemple les effets socialisateurs du lieu (2014).


Par quels moyens exprimer ces procédés émergents d’identification
(Brubacker, 2001) par lesquels les habitants se reconnaissent et, en même
temps, cherchent à contester l’identification imposée de l’extérieur? Un
des moyens serait la création de nouveaux langages (Labov, 1978), avec ce
même rapport ambivalent entre ghetto et monde extérieur puisque, forgés
ici, entre “nous”, ces langages s’adressent aussi au-dehors, à “eux”, afin
de faire passer des messages de contestation, de transmettre des modes de
vie et façons de faire, etc. – par exemple les jeunes d’Abidjan en Côte
d’Ivoire avec le* nouchi* (Boutin, Kouadio N’Guessan, 2015). Ces rapports
langagiers ambivalents entre ici et là-bas s’expriment encore à travers
l’usage du *codeswitching* (Gumperz, 1989 ; Woolard, 2004), comme manière
de “négocier les identités” (Heller, 1988) ainsi que comme stratégie de
positionnement par rapport à ses interlocuteurs (qu’ils soient chercheurs,
journalistes, travailleurs sociaux, etc.) et dans les structures sociales
(Gal, 1987). En passant d’une langue à l’autre on peut, par exemple,
échapper au regard des chercheurs en employant la langue qu’ils ne
connaissent pas, ou bien se faire reconnaître par eux en tant que porteurs
d’un message à véhiculer à l’extérieur. De plus,

“les locuteurs peuvent changer leur perspective d’une expérience proche
(“nous” ou première personne singulier) pour faire l’expérience de points
de vue éloignés (“eux” ou troisième personne singulier)” (Woolard, 2004, p.
77, notre traduction).



Un autre moyen aurait trait à la création artistique qui, comme dit
ci-dessus, peut permettre de renverser l’ordre social et symbolique entre
“centre” et “périphérie” – il n’y a qu’à voir combien la danse hip-hop est
partie intégrante de la création contemporaine en danse. Ces productions
artistiques visent en partie, plus ou moins explicitement selon les
supports et modes créatifs (de manière revendiquée dans le cas du rap –
voir Pecqueux, 2007, par exemple), à figurer un “nous” (plus ou moins
large, plus ou moins en opposition avec un “eux”), notamment en s’appuyant
sur le partage d’un même vécu. Il est remarquable que la musique rap, en
France et ailleurs, ait permis à des jeunes issus de quartiers paupérisés
et marginalisés de non seulement exprimer leurs expériences de vie, mais
aussi de renouveler pour partie le répertoire du politique et de la
contestation. Un travail similaire est relevé par Nicolas Puig concernant
la production musicale palestinienne dans ou hors des camps, qui
“relocalise” la Palestine en exil quand elles sont produites tant à des
fins commerciales que patrimoniales (Puig, 2006). Cette même créativité
exprimant une particularité locale dans le cadre d’une marginalisation
sociale et spatiale est observée par Adam Ramadan dans les mêmes camps
palestiniens (2009), ou par Guillaume Marche en ce qui concerne les
marquages paysagers (*street art*) dans les espaces gay à San Francisco
(2016). Une telle forme de créativité (comme d’autres) pourrait donc
compter comme une façon d’exprimer et revendiquer sa subjectivité dans un
contexte d’isolement physique et social, où les contraintes et la mise à
l’écart tendent à priver les habitants de leur voix. Toutefois, il faut
aussi considérer un autre aspect de la production culturelle (notamment
artistique) au sein du ghetto qui consiste dans la marchandisation de la
culture apparemment “propre” à ces lieux et dans leur médiatisation. Ces
procédés pourraient véhiculer des images essentialistes du ghetto et
renforcer les stigmates (positifs comme négatifs) pesant déjà sur leurs
habitants. On peut penser encore au ghetto juif de Cracovie où se déroule
annuellement le festival de musique klezmer qui est ici présentée comme
“typique” de la culture et de l’histoire des Juifs d’Europe Centrale. Les
touristes venant pour le festival pourront ainsi appréhender le quartier
comme “typiquement juif” alors que, comme l’a démontré Diana Pinto (1996),
il s’agit plutôt d’un ghetto symbolique, c’est-à-dire d’un lieu
symboliquement juif mais désormais vide ou presque de ses occupants
originaires et transformé en un espace de tourisme et de mémoire où par la
musique résonne une “douleur fantôme” (Schümer 2004).


Le présent appel à articles invite donc à problématiser la
conceptualisation et les usages – littéraux comme métaphoriques – du terme
“ghetto” en tenant compte de cette dynamique de clôture-ouverture,
d’enfermement comme de possibilités de sorties, de réception ou de
production de l’urbain ainsi que de formes culturelles – qui ne sont pas
par hasard définies comme “sous”(-cultures). Un des enjeux serait
d’observer concrètement les expériences de ceux et celles qui y vivent et
les dynamiques de transformation qui y peuvent prendre place. L’appel à
articles invite aussi à se demander si la créativité langagière, musicale
et artistique pourrait se faire véhicule d’émancipation en permettant à ses
habitants de “sortir du ghetto” sans renoncer toutefois à leur attachement
à ce lieu.

*Bibliographie*

Agier Michel, 2014, *Campement Urbain. Du refuge nait le ghetto.* éd.
Payot, Paris

Anderson, Elijah, 2019, (trad. Alexandra Bidet et Hélène Boisson), “La
canopée cosmopolite”, *Politix*, n°125, p.109-134, DOI :
10.3917/pox.125.0109

Batalion Judy, 2022, *Les résistantes*, Paris, Les Arènes.

Bernardot Marc, 2008, *Camps d’étrangers*, Vulaines-sur-Seine, Ed du
Croquant.

Brubacker Rogers, 2001, “Au-delà de l’’identité'”, *Actes de la recherche
en sciences sociales*, n° 139, p. 66-85.

Boutin Béatrice Akissi, Kouadio N’Guessan Jérémie, 2015, “‘Le nouchi c’est
notre créole en quelque sorte, qui est parlé par presque toute la Côte
d’Ivoire'”, in Peter Blumenthal (dir.), *Dynamique des français africains:
entre le culturel et le linguistique*, Bruxelles, Peter Lang,
978-3-653-04355-6.

Chanial, Philippe, 2021, “Black Lives Matters revisited: Race et morale de
l’interaction”, *Revue du MAUSS*, n° 58, p. 303-309.

Canut, Cécile, 2018, “Walled in by fear. Toward a political linguistic
anthropology in a Gypsy ghetto Bulgaria”, Conférence, Cerlis, Paris
Descartes,  https://sociolingp.hypotheses.org/282
<https://sociolingp.hypotheses.org/282>

Doraï, Kamel, Puig Nicolas (dir.), 2011, *L’urbanité des marges, migrants
et réfugiés dans les villes du Proche-Orient*, Paris : Téraèdre.

Du Bois William EB, 2007, *Les âmes du peuple noir*, Paris, La Découverte
(édition Magali Bessone).

Du Bois William EB, 2019, *Les Noirs de Philadelphie, Une étude sociale*,
Paris, La Découverte (édition Nicolas Martin-Breteau).

Dulong Renaud, Paperman Patricia, 1992, *La réputation des cités HLM.
Enquête sur le langage de l’insécurité*, Paris, L’harmattan.

Esparza René, 2019, “Black Bodies on Lockdown: AIDS Moral Panic and the
Criminalization of HIV in Times of White Injury”, *The Journal of African
American History*, vol. 104, n° 2, p. 250-280.

Gal, Susan, 1987, “Codeswitching and Consciousness in the European
Periphery”, *American Ethnologist*, vol. 14, n° 4, p. 637–653.

Galonnier, Juliette, 2015, “The Enclave, The Citadel and the Ghetto: The
Threefold Segregation of Upper-Class Muslims in India”, *International
Journal of Urban and Regional Research*, vol. 39, n° 1, p. 92-111.

Gasperoni, Michael, 2018, “Les ghettos juifs d’Italie à travers le *jus
chazakah*: un espace contraint mais négocié”, *Annales. Histoire, Sciences
Sociales*, vol. 73, no. 3, p. 559-590.

Gasperoni, Michael, Groppi Angela, 2018, “Négocier ses droits dans les
ghettos des États de l’Église, XVIe-XIXe siècle”, *Annales. Histoire,
Sciences Sociales*, vol. 73, no. 3, p. 555-557.

Goffman Alice, 2014, *On the run, Fugitive life in an American City*,
Chicago, Chicago University Press.

Goffman, Erving, 1968, *Asiles, étude sur la condition sociale des malades
mentaux*, Paris, Minuit.

Grignon Claude, Passeron Jean-Claude, 1989, *Le savant et le populaire.
Misérabilisme et populisme en sociologie et en littérature*, Paris, Ed. du
Seuil.

Guillard, Séverin, 2017, “‘Getting the city on lock’: imaginaires
géographiques et stratégies d’authentification dans le rap en France et aux
États-Unis”, *L’Information géographique*, vol. 81, no. 1, 2017, p. 102-123.

Gumperz, John, 1989, *Engager la conversation. Introduction à la
sociolinguistique interactionnelle*, Paris, Minuit.

Heller, Monica (ed), 1988, *Codeswitching: Anthropological and
sociolinguistic perspectives*,  Berlin, Walter de Gruyter.

Hilgers Mathieu, 2011, “Autochthony as Capital in a Global Age”, *Theory,
Culture & Society*, vol. 28, n° 1, p. 34-54.

Hoggart, Richard, 1970, *La culture du pauvre. Essai sur le style de vie
des classes populaires en Angleterre*, Paris, Minuit.

Joseph, Isaac, 1983, “Urbanité et ethnicité”, *Terrain*, n° 3 p. 20-31,
https://journals.openedition.org/terrain/2808.

    1992, “L’espace public comme lieu de l’action”, *Les annales de la
recherche urbaine*, n° 57-58, p. 211-217,
https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1992_num_57_1_1716.

Katz, Dana, 2021, “Architecture & Alterity in Early Modern Venice”, *Journal
of the Society for Architectural Historians,* vol. 80, no. 4, p. 391-395.

Labov William, 1978, *Le parler ordinaire. La langue dans les ghettos noirs
des États-Unis*, Paris, Minuit.

Marche, Guillaume, 2017, *La Militance LGBT aux États-Unis. Sexualité et
subjectivité*, Lyon, Presses Universitaires de Lyon.

Massey Douglas S., Denton Nancy A., 1988, “The Dimensions of Residential
Segregation”, *Social Forces*, vol. 67, n° 2, p. 281–315.
https://doi.org/10.2307/2579183.

Maurin Eric, 2004, *Le ghetto Français, Enquête sur le séparatisme social*,
Paris, Ed. du Seuil.

Meier Daniel, 2008, *Mariage et identité nationale au Liban. Les relations
libano-palestiniennes dans le Liban de Taëf (1985-2005)*, Paris, Karthala.

Mink, Louis 0., 1978, “Narrative Form as a Cognitive Instrument”, in Canary
Robert H., Kozicki Henry (eds), *The Writing of History*, Madison,
University of Wisconsin Press, p. 129-149.

Pattillo, Mary, 2007, *Black on the Block. The Politics of Race and Class
in the City*, Chicago, Chicago University Press.

Pecqueux, Anthony, 2007, *Voix du rap. Essai de sociologie de l’action
musicale*, Paris, L’Harmattan.

Picker, Giovanni, 2017, *Racial Cities. Governance and the Segregation of
Romani People in Urban Europe*, London, Routledge.

Picker Giovanni, Greenfields Margaret, Smith David, 2015, “Colonial
refractions: The ‘Gypsy camp’ as a spatio-racial political technology”,
*City*, vol. 19 n° 5, p. 741-752.

Pinçon Michel, Pinçon-Charlot Monique, 2007, *Les ghettos du Gotha. Comment
la bourgeoisie défend ses espaces*, Paris, Ed. du Seuil.

Pinto, Diana, 1996, “A new Jewish Identity for post-1989 Europe”, *JPR
Policy Paper*, n° 1,
https://www.jpr.org.uk/documents/A%20new%20Jewish%20identity%20for%20post-1989%20Europe.pdf
.

Pollak, Michael, 1982, “L’homosexualité masculine, ou le bonheur dans le
ghetto?”, *Communications*, n° 35, p. 37-55,
https://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1982_num_35_1_1521.

Puig, Nicolas, 2006, “‘Shi filastini, quelque chose de palestinien’.
Musiques et musiciens palestiniens au Liban: territoires, scénographies et
identités”, *Tumultes*, n° 27, p. 109-134.

Quéré, Louis, 1994, “Sociologie et sémantique: le langage dans
l’organisation sociale de l’expérience”, *Sociétés contemporaines,* n°18-19,
p. 17-41.

Ramadan, Adam, 2009, “A Refugee Landscape: Writing Palestinian Nationalisms
in Lebanon”, *ACME: An International Journal for Critical Geographies*,
vol. 8, n°1, p. 69-99.

Raudenbush, Danielle, 2020, *Health Care Off the Books. Poverty, Illness
and Strategies for Survival in Urban America*, Berkeley, University of
California Press.

Rawls Anne Warfield, Duck Waverly, 2020, *Tacit Racism*, Chicago,
University of Chicago Press.

Rothstein, Richard, 2017, *The Color of Law, A Forgotten History of How our
Government Segregated America*, New York, Liveright.

Rüthers Monica, 2014, “Quand le *Balkan beat* pulse et le *klezmer*
gémit”, *Cahiers
d’ethnomusicologie*, n°27, p. 203-224.

Schümer Dirk, 1994, “Der Phantomschmerz der Geschichte. Wo Joseph Roth die
Kaffeehäuser belebt und Spielberg die jüdische Küche wiederfindet”,
*Frankfurter
Allgemeine Zeitung *261, p. 35.

Stavo-Debauge, Joan, 2016, “La ville comme ‘théâtre d’opérations’: du
sniper au djihadiste”, Bruxelles, Metrolab,
https://www.metrolab.brussels/publications/la-ville-comme-theatre-doperations-du-sniper-au-djihadiste


Yann Philippe Tastevin, 2017, “Des chars à bœufs aux plateformes mobiles de
forage”, *Techniques & Culture*, n° 67, p. 196-211.

Wacquant, Loïc, 2005, “Les deux visages du ghetto. Construire un concept
sociologique”, *Actes de la recherche en sciences sociales*, n° 160, p.
4-21.

Wacquant, Loïc, 2012 ,”Repenser le ghetto. Du sens commun au concept
sociologique”, *Idées économiques et sociales*, vol. 167, n°1, p. 14-25.

Wirth, Louis, 1928, *The Ghetto,* Chicago, University of Chicago Press
(traduction française: *Le Ghetto*, Grenoble, Presses universitaires de
Grenoble, 1980).

Woolard Kathryn A., 2004, “Codeswitching”, in Duranti Alessandro (ed.), *A
Companion to Linguistic Anthropology*, Malden, Blackwell Publishing.

*Modalités de soumission*

L’appel à contribution a valeur de cadrage et permet la sélection des
contributions en fonction de leur pertinence par rapport au thème et aux
enjeux du numéro. Il a, en outre, vocation à suggérer aux rédacteurs
potentiels quelques pistes générales de réflexion.
*Articles*

Les articles représentent des contributions originales à la recherche, qui
suivent les normes habituelles de la production scientifique. Ils doivent
tous se positionner par rapport à l’appel à contributions.

Différents types d’approches sont possibles, permettant de diversifier la
manière d’aborder la thématique : nous accueillons tant des articles à
vocation essentiellement théorique, que des contributions fondées sur des
recherches empiriques, où les enjeux méthodologiques seront précisés et
discutés.

*Tracés* étant une revue interdisciplinaire, les articles doivent pouvoir
être compréhensibles et pertinents pour des lecteurs et des lectrices non
spécialistes ; ils peuvent également faire appel à des méthodes et des
références de plusieurs disciplines, ou interroger les présupposés ou les
outils empiriques et théoriques d’une discipline à partir du point de vue
d’une autre discipline.

*Les articles soumis ne peuvent excéder 45 000 signes* (espaces, notes, et
bibliographie incluses).
*Notes*

Nous publions des notes critiques qui présentent un ensemble de travaux
(éventuellement un ouvrage en particulier), une controverse scientifique,
ou l’état d’une question actuelle. Elles doivent dans tous les cas se
rattacher explicitement à la thématique du numéro et permettre d’éclairer
des orientations de recherche ou des débats inhérents à cette dernière,
notamment pour des lecteurs et des lectrices non spécialistes des
disciplines concernées.

*Les notes soumises ne peuvent excéder 30 000 signes* (espaces, notes, et
bibliographie incluses).
*Entretiens*

Des entretiens avec des chercheurs, chercheuses ou d’autres expert-e-s des
questions étudiées sont également publiés dans chaque numéro. Les
contributeurs et les contributrices qui souhaiteraient en réaliser sont
invité-e-s à prendre contact directement avec le comité de rédaction (
redactra...@groupes.renater.fr).
*Traductions*

Les traductions sont l’occasion de mettre à la disposition du public des
textes peu ou pas connus en France et qui constituent un apport capital à
la question traitée. Il doit s’agir d’une traduction originale. Le choix du
texte devra se faire en accord avec le comité de rédaction et les questions
de droits devront être réglées en amont de la publication.

Il est donc demandé aux contributeurs et aux contributrices de bien
préciser pour quelle rubrique l’article est proposé. La soumission
d’articles en anglais est également possible, mais si l’article venait à
être retenu pour la publication, sa traduction nécessaire en français
demeure à la charge de l’auteur ou de l’autrice.
*Procédure*

Les auteurs et autrices devront envoyer leur contribution (article complet)
pour *le 1er octobre 2022.* Celle-ci sera envoyée à la rédaction de *Tracés*
 (redactra...@groupes.renater.fr) ainsi qu’aux responsables du numéro:
mahoudeau.a...@gmail.com anthony.pecqu...@msh-lse.fr et
salvatorecamil...@gmail.com.

Si elles ou ils le jugent utile, les auteurs et autrices peuvent adresser
dès qu’ils le souhaitent un résumé (en indiquant le titre de leur
contribution, la rubrique dans laquelle ils le proposent, ainsi qu’un bref
résumé du propos) au comité de rédaction de *Tracés *(par courrier
électronique à la même adresse) pour leur faire part de leur intention de
soumettre un article.

Chaque article est lu est par un-e membre du comité de rédaction et par
deux évaluateurs et évaluatrices extérieur-e-s. Nous maintenons l’anonymat
des lecteurs et lectrices et des auteurs et autrices. À l’aide de ces
rapports de lecture, le comité de rédaction de *Tracés* rend un avis sur la
publication et décide des modifications à demander aux auteur-e-s afin de
pouvoir publier l’article.

Dans le cas de propositions trop éloignées de l’appel à contribution ou des
exigences scientifiques de la revue, le comité de rédaction se réserve le
droit de rendre un avis négatif sur la publication sans faire appel à une
évaluation extérieure. Hormis ces exceptions, une réponse motivée et
argumentée est transmise aux auteur-e-s suite à la délibération du comité
de lecture.

Nous demandons aux contributeurs et contributrices de tenir compte des
recommandations en matière de présentation indiquées sur notre site
<https://journals.openedition.org/traces/103>.

Les articles envoyés à la revue *Tracés* doivent être des articles
originaux. L’auteur ou l’autrice s’engage à réserver l’exclusivité de sa
proposition à *Tracés* jusqu’à ce que l’avis du comité de lecture soit
rendu. Elle ou il s’engage également à ne pas retirer son article une fois
que la publication a été acceptée et que l’article a été retravaillé en
fonction des commentaires des lecteurs et lectrices.

NB : L’insertion d’images et de supports iconographiques en noir et blanc
et en couleurs est possible en nombre limité (Précisez-le dans votre
déclaration d’intention). Celles-ci doivent être livrées libres de droit
(sauf exception, la revue ne prend pas en charge les droits de
reproduction) ; elles limitent le nombre de signes à hauteur de 2500 signes
par image pleine page, et de 1500 signes par image demi-format. Pour des
projets spécifiques, il est possible de faire établir un devis pour un
cahier hors-texte.


   1. Pour Louis Quéré, un artefact sémantique s’oppose aux “objets
   organisationnels” (terme qu’il reprend à Harold Garfinkel), à savoir la
   façon dont, dans le domaine de l’accomplissement pratique de la vie de tous
   les jours, les acteurs sociaux en viennent à saisir pratiquement des
   occurrences comme des entités sensibles et ordonnées (actions, paroles,
   etc.) sans en passer par des événements saisis “sous une description”, sans
   en passer donc par des artefacts sémantiques. [↩
   <https://traces.hypotheses.org/3766#identifier_0_3766>]

--
https://www.vidal-rosset.net/mailing_list_educasupphilo.html
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        

Répondre à