Chères et chers toustes,

la revue Dix-Huisitème Siècle consacrera le Dossier de son numéro 55 (2023) aux 
questions de « Genres et normes dans l’Europe des Lumières ». Les responsables 
de ce dossier, Stéphanie Genand, Stefania Ferrando, Florence Lotterie, Anne 
Verjus et Jean-Christophe Abramovici, appellent vos contributions.
Vous trouverez l’appel et toutes informations utiles ci-dessous.

En espérant que cet appel pourra retenir votre attention, je vous prie de 
recevoir, chères et chers collègues, l’assurance de nom cordial dévouement,

Sophie Audidière
Directrice de la revue Dix-Huitième Siècle 
<https://www.cairn.info/revue-dix-huitieme-siecle.htm>
d...@sfeds.fr <mailto:d...@sfeds.fr>


Revue Dix-huitième siècle, n°55, à paraître en 2023 :
« Genres et normes dans l’Europe des Lumières »

Numéro dirigé par Stéphanie Genand
et Stefania Ferrando, Florence Lotterie, Anne Verjus et Jean-Christophe 
Abramovici.


Appel à contributions

Les études de genre forment aujourd’hui un champ de recherches universitaires 
reconnues autant que débattues. Elles se caractérisent par le dialogue 
international qu’elles ont su construire, ainsi que par les approches 
pluridisciplinaires qu’elles favorisent en sciences humaines et sociales : 
l’histoire, la sociologie, l’anthropologie en ont été, à partir d’un premier 
ancrage féministe, les véritables fers de lance, mais la philosophie, la 
littérature, la science politique, la géographie, pour ne citer qu’elles, ont 
elles aussi intégré ce paradigme qui, il y a un peu plus de quarante ans, a 
opéré une véritable révolution scientifique.
Cette dernière s’inscrit évidemment dans une histoire longue dans laquelle le 
18e siècle représente, pour plusieurs raisons, une étape décisive : un 
changement de paradigme s’y affirme d’abord, initié notamment par les médecins 
(Roussel 1775, Moreau 1803, radicalisant la tradition des Traités des maladies 
des femmes), qui naturalise et donc essentialise la différence des sexes, en 
assignant les êtres humains à deux classes genrées (Laqueur, 1992). Ce 
différencialisme, consacré par le Code civil de 1804, s’accompagne d’un double 
mouvement d’assignation et d’institutionnalisation qui constitue, pour une 
part, la signature problématique des Lumières sur la scène du genre : la 
philosophie s’y revendique certes comme l’exercice critique de la raison, mais 
les femmes, du fait de leur biologie et de leur psyché, voire d’une 
articulation spécifique d’une biologie à une psyché, se voient exclues du logos, 
avant que les législateurs révolu
 tionnaires, nourris par l’œuvre de Rousseau, n’élisent l’universel comme 
échelle d’une émancipation dont là encore plusieurs figures minorées – les 
femmes, les enfants, les domestiques, les personnes de couleur libres, les 
esclaves… – sont écartées. On assiste ainsi à des transformations capitales des 
registres normatifs qui organisent l’accès au savoir et à la politique 
(Fraisse, 1995) : les formes d’exclusion et de « non inclusion » s’inscrivent 
paradoxalement dans un langage universaliste attribuant par principe à tout 
être humain une égale liberté et dignité (Verjus, 2002).
Le long 18e siècle – envisagé depuis la parution De l’égalité des deux sexes de 
Poullain de la Barre (1673) jusqu’à la promulgation du Code civil – constitue 
dès lors un territoire privilégié pour tenter l’archéologie critique de la 
différence des sexes : soit de la manière dont elle se constitue 
philosophiquement, se représente esthétiquement, en littérature ou en histoire 
de l’art – le 18e serait ici « le siècle du sexe » (Harvey, 2010) tant sont 
nombreuses les œuvres qui le placent au centre de l’intrigue, mais aussi celui 
du « sexe  bavard » (Foucault, 1976) – et s’institue politiquement, sous la 
Révolution et le Consulat. Les Lumières posent ainsi trois questions capitales 
aux études de genre : celle de leur socle philosophique – quels arguments, 
quelles raisons fondent la différence entre hommes et femmes ? –, celle de 
leurs fables esthétiques – quels mots, quels discours, quelles images racontent 
ou montrent cette diff
 érence ? – et celle de leurs normativités politiques : quelles lois, quels 
textes, quelles valeurs transforment cette différence de sexes en détention 
différenciée de l’autorité ?
Ouvrir les recherches dix-huitiémistes et la revue Dix-huitième siècle aux 
études de genre n’est pourtant pas le seul objectif du présent numéro. Ces 
études de genre ont elles-mêmes connu une évolution constante qui les a 
notamment conduites à penser, outre la domination, les déclinaisons spécifiques 
et surtout pratiques de la domination et de sa logique hiérarchique : comment 
les hommes et les femmes s’en arrangent-ils, la contournent-ils, en jouent-ils 
ou au contraire s’en affranchissent-ils ? De nouveaux concepts ont ainsi 
récemment enrichi les études de genre : l’agency (Butler 2002 et 2010) ou 
puissance d’agir par-delà les déterminismes mais aussi, depuis les années 2000, 
l’intersectionnalité, qui analyse l’entrelacs des différentes inégalités qui 
pèsent sur la trajectoire du sujet, qu’elles concernent son sexe, sa race ou 
son appartenance sociale. Or ces outils se révèlent très stimulants pour la 
recherche dix-huitiémiste : s�
 ��ils se sont affirmés dans le cadre double d’une histoire des femmes et des 
conditions de la politisation des sexes en Révolution (Guilhaumou 2012, Verjus 
2002 et  2010, Plumauzille 2016), l’ambition du présent dossier serait de 
mettre leur efficacité à l’épreuve d’un long 18e siècle, inséré dans des 
cultures d’Ancien Régime dont il faut mesurer les évolutions : comment de tels 
outils permettent-ils de rendre compte des questions de l’inégalité, de la 
différence et de la domination, sans se limiter à la sexualité, mais en 
envisageant cette dernière, au sens large, comme un espace en cours de 
définition « moderne » où peut, en quelque sorte, s’intensifier l’activité 
(concrète et imaginaire) de normalisation des identités sociales et des 
rapports de pouvoir ? Les études de genre, telles qu’elles ont elles-mêmes 
ouvert l’empan de leur réflexion, interrogent ainsi plus largement les 
dominations qui singularisent autant qu’elle
 s problématisent les Lumières : celle du sexe, mais aussi celle de la race et 
des positions dans l’ordre social, à la fois produits et producteurs d’une 
normativité dont il faut évaluer les contraintes comme les possibilités de 
remise en cause. 
C’est dans ce cadre que nous avons choisi de privilégier l’articulation entre « 
genres » et « normes » dans l’Europe des Lumières. Par « normes », nous 
n’entendons pas un cadre fermé et intangible, mais un système au contraire 
mouvant, se redéfinissant au gré de contraintes institutionnelles (la loi, le 
marché…), de volontés collectives ou individuelles, ou d’ajustements plus ou 
moins désirés. Ces normes seront envisagées autant dans leur articulation aux 
constructions et évaluations (imaginaires et émotions inclus) des « différences 
» dans la stratification sociale et raciale, que dans celles des sexualités et 
de leurs corps (eux-mêmes « construits »). C’est notamment cette résonance « 
intersectionnelle » qui conduit à passer du singulier (le genre comme outil 
d’analyse) au pluriel (les genres comme mise en travail des identifications). Et 
ce sont alors des jeux multiples par rapport à la norme dont nous chercherons à 
propos
 er une cartographie active : un tableau mouvant et européen des rapports de 
genre au 18e siècle, où s’esquissent des dynamiques et des pratiques en même 
temps que s’énoncent des discours et que s’exercent des pouvoirs.
Les contributions susceptibles d’une approche interdisciplinaire et ouvertes 
sur des corpus transversaux et internationaux retiendront donc plus 
particulièrement l’attention.

Calendrier

Les propositions (titre et présentation d’une quinzaine de lignes) sont 
attendues pour le 15 novembre 2021. Elles doivent être envoyées à l’adresse 
suivante : dixhuitiemesiecl...@gmail.com <mailto:dixhuitiemesiecl...@gmail.com>.
Les articles retenus, d’une longueur maximale de 30.000 signes espaces inclus, 
seront à rendre le 30 mai 2022 à la même adresse.


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https://www.vidal-rosset.net/mailing_list_educasupphilo.html
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        
        

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