Bonjour,

comme promis, voila un petit compte rendu sur le changement de licence basée
sur ma compréhension des faits et ma participation aux discussions. Je vais
aussi discuter un peu historique mais là c'est un sujet un peu plus
difficile pour moi vu que je suis relativement nouvelle (avril 2009) dans le
projet face à certaines personnes ici. Si quelqu'un voit une erreur, faites
le moi savoir et je corrigerais mon propos. Je ne suis pas avocate, ou
juriste, donc caveat emptor.
La encore, je réitère de suite que j'ai accepté les nouveaux termes du
contributeur et la nouvelle licence, mais ça ne m'empêchera pas d'essayer de
présenter les différents points de vue qui sont exprimes par la communauté
actuellement. De même, je simplifie volontairement certaines choses.


Historique

Quand le projet a commence, OpenStreetMap a décidé de prendre une licence de
Creative Commons pour protéger le contenu de la base de données, et ce choix
se porta sur CC-BY-SA 2.0 qui est encore la licence actuellement. (
http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/deed.fr ). Toutefois, à mesure
que le projet a commence à grossir, il est devenu clair qu'OSM commençait à
devenir extrêmement important et les gens ont commencés à regarder la
licence qui avait été choisie. Après évaluation de la licence, l'accord
général était que la licence n'était pas adaptée à une base de donnée, car
les données contenues dans OSM sont des faits, et donc ne tombant pas sous
le droit d'auteur. Il faut noter que cette interprétation peut varier d'un
pays a un autre, du fait de l'évaluation du facteur de créativité.

Après examen de ce qui était disponible comme licence, il est devenu clair
qu'il n'y avait aucune licence libre permettant de protéger une base de
donnée. Les gens se sont alors mis à écrire une nouvelle licence qui
deviendra l'ODbL (http://www.opendatacommons.org/licenses/odbl/summary/ ).
Historiquement, ce sont des anciens de Creative Common qui ont crée l'Open
Data Common (maintenant faisant partie de l'Open Knowledge Foundation).
Cette scission provient du fait que les gens de Creative Common considèrent
que les bases de données sont trop complexes légalement et doivent être
mises sous une licence libérale. C'est d'ailleurs ce qui a conduit à la
création de CC0. ( http://wiki.creativecommons.org/CC0_FAQ )
Cette différence se retrouve d'ailleurs dans le commentaire de l'ODbL par
des gens de Creative Common (
http://wiki.openstreetmap.org/wiki/ODbL_comments_from_Creative_Commons ).
L'argumentation est qu'en effet les licences Creative Common ne sont pas
adaptées à la protection des bases de données mais que l'ODbL est trop
complexe et se basant sur différentes législations a travers le monde, et
que finalement il est plus simple de choisir CC0.

ODbL fonctionne globalement de la même façon que CC-BY-SA mais introduit de
nouveaux concepts liés au fait que l'on travaille avec une base de donnée.
L'ODbL contient deux notions importantes: Derived Database (Base de donnée
dérivée), et Produced Work (Rendu de carte par exemple à partir des
données). La nouvelle licence force la viralité des données mais permet a
n'importe qui de choisir la licence désirée pour les produced works a
condition que celui-ci ajoute l'attribution pour OSM. Une carte peut être
donc distribuée sous CC-BY-SA, CC-BY ou encore être propriétaire. Ce choix
de la licence pour le produced work était un moyen de clarifier le fait que
la viralité du CC-BY-SA n'a jamais été quantifiée. Par exemple, Nike en
Colombie et a Londres a lance une campagne nommée Nike Grid dont une
publicité. Celle-ci contient quelques éléments de cartes provenant de
OpenStreetMap. Cela rend-il la publicité CC-BY-SA elle même ou pas? Personne
n'a de réponse a cela (y compris Creative Common a qui on a pose la
question).

L'autre chose qui diffère est que les contributions individuelles ne sont
pas protégées en elle même; celles ci ne sont protégées qu'a partir du
moment qu'elles sont dans une base de données du fait qu'elles sont
factuelles. C'est pour cela qu'il est possible légalement d'obtenir une
extraction non substantielle des données et de les réutiliser comme l'on
veut. Ce problème se pose pour toutes les bases de données.

L'ODbL utilise donc le droit des bases de données, les droits d'auteurs et
la loi sur les contrats. En Europe, les données sont protégées par le droit
européen sur les bases de données. Les autres éléments ont été rajoutées
pour que les données soient protégées dans tous les pays du monde (d'où la
complexité de la licence), puisqu'il n'existe pas d'accords internationaux
sur les bases de données, ce qui n'est pas le cas pour le droit d'auteur
(quoique).


Changement de licence

Le changement de licence en lui même a maintenant été lancé il y a quelques
temps, une fois que l'ODbL ait atteint sa version finale. Mais le processus
a commencé en 2008 suite à un accord des contributeurs d'après ce que j'ai
compris. Toutefois, le changement de licence est composé de deux parties
différentes: la licence elle même, et les termes du contributeur (CT).

Jusqu'à peu de temps, il n'y avait pas de CT quand les gens prenaient un
compte sur le site d'OSM. Depuis Mai, un CT est maintenant nécessaire pour
obtenir un nouveau compte pour OSM. Le but du CT est de définir ce qui est
faisable ou pas, et introduit aussi deux nouveaux concepts qui n'existaient
pas jusqu'à maintenant: La fondation devient explicitement un "exclusive
licensor" (elle l'était implicitement) et la fondation pourra changer la
licence sans avoir a demander individuellement à chaque contributeur la
licence sous reverse d'un accord de 66% de contributeurs actifs et sous
réserve que la licence soit "open and free" autrement dit libre selon la
définition de l'Open Knowledge Foundation. Il faut noter que si quelqu'un
accepte le CT ses données sont alors sous double licence CC-BY-SA 2.0 et
ODbL 1.0.

Le fait que la fondation devienne un "exclusive licensor" a deux raisons
pratiques: La fondation n'a plus besoin de demander la permission
individuelle a chaque contributeur pour savoir si leurs données peut changer
de licence (les contributeurs sont toujours propriétaires de leurs données
toutefois), ce qui simplifierait un changement de licence ultérieure et
finalement la raison la plus importante a mes yeux, la fondation peut alors
protéger les données et attaquer en justice si quelqu'un s'approprie les
données. Actuellement, si l'on suit la loi à la lettre, la fondation n'a
aucun mandat pour défendre les données de OSM puisque chaque contributeur
est propriétaire de ses données. La pratique d'assignement des droits est
extrêmement courante dans le monde du logiciel libre et n'a donc rien
d'exceptionnel à OSM.

Le changement de licence est un processus en plusieurs étapes. Nous sommes
actuellement dans la deuxième étape: celle où les gens peuvent passer sous
la nouvelle licence et utiliser les nouveaux termes du contributeur. Ces
termes ont été traduits en Français et en Italien pour respecter les lois de
ces pays. La deuxième étape est utilisée pour jauger l'accord des
contributeurs pour ce changement de licence. De même que précédemment, les
données sont alors sous double licence CC-BY-SA 2.0 et ODbL 1.0. Il n'y a
donc aucune perte de données. La deuxième phase a été volontairement non
annoncée afin d'avoir une mesure réelle de l'intérêt de la nouvelle licence.
Celle-ci a été juste diffusée de bouches à oreilles, même si on commence à
avoir des statistiques pour les pays (Italie), où les gens en ont parlé
fortement sur la liste (taux aux alentours de 70-80% selon la statistique
choisie).
L'étape suivante (phase 3) est de demander à tous les contributeurs s'ils
sont prêts à passer sous le nouveau CT et la nouvelle licence.
La phase 4 est de ne plus accepter des données sous CC-BY-SA 2.0 dans la
base de données.
La phase 5 est de passer à une base de données CC-BY-SA 2.0 à une base de
donnée ODbL 1.0. Cette phase est la phase ou il y aura potentiellement une
perte de donnée, mais celle-ci n'est pas sure d'être atteinte en premier
lieu.

Il faut noter que la phase la plus importante est la phase 3, car c'est à la
fin de cette phase que l'on saura si l'on continue ou non. Il est hors de
question de perdre une quantité importante de données. Cette perte sera
évaluée clairement au cas par cas, car il y aura de fortes disparités
régionales et l'on ne peut pas dire, c'est bon en Allemagne mais ce n'est
pas bon en Australie. Définir un pourcentage de perte est quasiment
impossible car ça ne serait pas un critère objectif. Il suffit de voir que
les USA sont principalement déjà sous la nouvelle licence du fait que les
données proviennent d'un import par un seul utilisateur.

Concernant la phase 5, il est très difficile de savoir le résultat final
puisque les outils permettant d'exciser le contenu ODbL du contenu CC-BY-SA
n'existent pas encore ou sont encore très rudimentaires. La carte qui a été
montrée précédemment ne fonctionne que sur les "ways" et ne tient pas compte
de l'approche où l'on remonte à la contribution la plus récente sous ODbL.
Autrement dit, comme je le précisais dans un émail précèdent, la ville de
Fleury Les Aubrais est très jaune mais en réalité la ville ne sera quasiment
pas touchée par un effaçage car on remonterait a la version ODbL qui
correspond aux Ways que j'ai crée initialement.

L'autre chose c'est que la fondation cherche a obtenir un consensus le plus
large possible. Dans les premiers plans, le dual licensing n'était pas
prévu, ce qui est le cas maintenant. Il est clair que ce plan risque de
changer selon ce qui se passe dans la phase 3 et selon les chiffres obtenus.


Opposition au changement de licence

Actuellement, il y a plusieurs oppositions au changement de licence et pour
différentes raisons. L'opposition se fait tant au niveau de la licence que
tant au niveau de l'acceptation des CT. L'opposition principale n'est pas
tant au niveau de la licence elle-même mais au niveau des CT.

Pour la licence, il y a trois types d'opposition: ceux qui veulent rester
sous CC-BY-SA et ceux qui veulent passer sous domaine publique. Un certain
nombre de personnes veulent conserver le status quo car elles pensent qu'il
n'y a pas de soucis a avoir. Celles-ci pensent que CC-BY-SA fournit une
maigre protection mais cela importe peu parce que la communauté arrivera
toujours à faire pression sur les sociétés où les gens qui utilisent les
données de manière illégale (l'exemple de Waze et de Google est donné).
Parmi ces personnes, il y a aussi celles qui pensent que CC-BY-SA est
extrêmement viral et que la viralite est perdue sur les produced works.

Certaines personnes pensent aussi que cette perte de viralite est un cadeau
pour diverses sociétés qui peuvent alors faire payer les données de OSM (ce
qui est d'ailleurs déjà possible de faire).

Concernant les CT, l'opposition se fait sur plusieurs points. Le premier
point est que les gens refusent que la fondation soit l'"exclusive licensor"
car il voit cela comme une intrusion de la fondation sur comment le projet
est géré. Le deuxième point est sur le fait que le texte indiquait qu'il
fallait vérifier explicitement les droits des données qu'on insère.
Finalement, le troisième point est que certaines personnes refusent que la
fondation soit capable de changer la licence vers une licence plus libérale
(comme CC0) malgré les conditions incluses (66% des membres actifs
autorisant le changement de licence vers une nouvelle licence libre). Parmi
les points cites aussi, certains donnent l'argument qu'il n'est pas possible
d'avoir un CT car certaines pays refusent le droit aux enfants et aux femmes
de signer ce genre d'accord et que donc il est illégal de pousser un CT.

Une société d'imagerie aérienne s'oppose notamment aux termes des CT car
elle considère le CT comme deux nouvelles licences supplémentaires.
L'interprétation qu'ils ont est qu'il y a une viralite des droits quand
quelqu'un trace les données sur leurs images, et donc potentiellement un
changement vers une licence plus libérale violerait leurs droits d'auteurs.
Ils ont d'autres arguments que je ne comprends pas tout à fait concernant
tout cela toutefois.

Finalement, la troisième opposition vient des gens qui redoutent que ce
changement de licence ne produise qu'une grosse perte de données,
démoralisant les contributeurs et rendant la base de données inutile.

La fondation, notamment le Licence Working Group, se réunit chaque semaine
pendant 1 heure (voire plus) pour essayer de résoudre les problèmes qui ont
été soulevés. Nous en sommes maintenant à la version 1.2 des CT qui a été
réécrit de manière assez importante afin de répondre aux objections qui ont
été faites jusqu'à présent et de simplifier le langage. Je n'ai pas le lien
ici et je pense que cet émail est déjà bien assez long comme cela. Les
minutes sont disponibles une semaine après chaque réunion. Il est possible
aussi aux gens qui le désirent de participer.


J'essaierais de répondre à toutes les questions mais je n'ai pas toutes les
réponses loin de là. Je n'ai pas abordé volontairement tous les aspects, et
j'ai essaye d'être aussi neutre que possible dans la présentation mais il
est clair que je n'ai réussi à faire cela parfaitement.

Trop longue,
Emilie Laffray
_______________________________________________
Talk-fr mailing list
Talk-fr@openstreetmap.org
http://lists.openstreetmap.org/listinfo/talk-fr

Répondre à