nono a écrit :
Le mardi 04 juillet 2006 à 16:03 +0200, Baron Christophe a écrit :
-- Bon, alors qu'est-ce qui est "passé"?
-- Quoique extrêmement concerné par ce sujet brûlant,
j'ai du mal à comprendre.
Pour l'aspect culurel dans un proche avenir :
Les musiques et les films en vente sur CD et DVD ont vécu. L'avenir est
au téléchargement avec l'émergence du haut débit et donc la vente en
ligne. Toute l'astuce consiste maitriser cette vente jusqu'alors
piratable. Comme tout nouveau marché, il faut créer le besoin et le
rendre si possible indispensable. C'est du marketing, inutile de faire
de hautes études pour le comprendre, un soupçon de lucidité suffit.
Comment maîtriser la vente de produit culturel ?
C'est simple, en appliquant une durée de vie limité au produit et en
rendant ce produit dépendant d'autres produits. Ainsi vous avez l'effet
boule de neige :-) Encore mieux que les OGM. Les musiques et films ne
sont téléchargeables que sous OS propriètaires pour une lecture sous
formats propriètaires avec des logiciels propriétaires.
Les DRM permettent l'anti-copie (c'est l'objectif affiché) et appliquent
une durée de vie limité au produit. La loi DADVSI interdit de mettre en
oeuvre un système permettant de contourner le DRM. De nos jours en
France, mieux vaut être pédofile que de livrer un logiciel avec les
sources qui soit susceptible de craquer un DRM. D'où l'interdiction de
livrer un logiciel peer-to-peer sans DRM ! Donc exit, bittorrent et
autres softs libres car la diffusion des sources est un concept
indissociable du logiciel libre.
Dans un proche avenir c'est l'extension.... la phase deux ! La culture
rapporte de l'argent mais si l'accès à l'information, l'accès au savoir,
l'accès au développement étaient maitrisés comme la culture, cela
rapporterait encore plus d'argent. La dépendance est née, la diffusion
des connaissances est maîtrisée, le pouvoir est en bonnes mains et bien
gardé.
Un mimimun de clairvoyance de nos élus auraient été souhaité, mais
peut-être est-ce trop demander ?
Ah j'oubliais, vous pouvez consulter les débats de l'assemblée nationale
qui sont diffusés aux formats RealPlayer et Windows Media Player ce qui
va de paire avec l'esprit Debian.
nono
Par rapport à tout ce que je lis, je trouve que l'on est un peu trop
pessimiste. C'est sûr, d'un point de vue de la liberté d'accès à la
culture, on en prend un méchant coup, et au passage le logiciel
open-source (et donc pas extension le logiciel libre) aussi.
Mais cela ne va pas tuer le logiciel libre. Le logiciel libre n'est
_pas_ composé _que_ des logiciels de diffusion de contenus multimédias.
Les entreprises pourront toujours opter pour des logiciels comme OOo ou
Firefox, Asterisk, emacs, ... Derrière le logiciel libre, il y a parfois
des entreprises, mais elles ne sont pas toutes françaises ou présentes
dans des pays liberticides. Certaines distributions comme Debian n'ont
pas d'entreprise derrière, et cette communauté qui la compose est
beaucoup plus difficile à bloquer qu'une entreprise. On verra peut-être
arriver une GNU/Linux Debian sans logiciels audios pour les français (ou
européens) et une version avec ces logiciels, un peu à l'image de la
version US et la version NON-US. Le problème pour les maisons d'édition
est que le logiciel libre se base sur une communauté, et donc par
définition c'est flou, mouvant, presque inattaquable frontalement. Et la
transmission des logiciels se fait par Internet, donc un réseau
difficile à contrôler (sauf en Chine).
Je ne dis pas que DADVSI est anodin, car il est vrai que le français
lambda qui n'a pas de compétences particulières en informatique n'ira
pas fureter sur le web pour trouver le patch "secret" l'appliquer à un
logiciel pour qu'il devienne un lecteur audio ou qu'il puisse extraire
de la musique d'un support DRMisé. Mais si on remonte quelques années en
arrière que voit-on ? :
Les serveurs ftp ont proposé des mp3. Avec l'explosion du haut-débit,
cela s'est accéléré. Contre-attaque : fermeture de ces serveurs. Napster
est arrivé, il a été attaqué et il est tombé. Mais il a libéré les
sources de son serveur et de nouveaux serveurs ont éclos de partout, et
les majors ont été dépassés une nouvelle fois. Ensuite le mouvement
s'est amplifié avec d'autres logiciels. Les maisons de disques ont
attaqué les serveurs hébergeants les mp3 et les fichiers vidéos, et est
alors apparu un fonctionnement décentralisé des réseaux p2p. Les maisons
de disques ont mis des fichiers bidons pour pourrir de l'intérieur les
réseaux p2p, et maintenant on voit arriver un système de note, ou encore
des réseaux de p2p basés sur la confiance. On cherche à attaquer les
utilisateurs ? On voit des logiciels de p2p qui passent par une série de
proxys pour rendre anonyme les personnes. Ils ont attaqués des serveurs
clefs comme razorbak, et pourtant ca continue toujours de plus belle.
Ensuite pour les supports : Canal + a crypté sa chaîne : des décodeurs
pirates sont arrivés. Ils ont changé le codage --> poubelle les
décodeurs maisons. Et pourtant aujourd'hui, avec un ordi tu peux passer
outre. Ils ont mis des protections sur les DVD : ca a été cassé. I-tunes
? Cassé (qqcun me confirme si je ne dis pas une co..rie ?). Les CD ? Sur
certains CD, la protection peut être cassée. Au pire du pire, tu
branches le micro directement sur le PC et tu enregistres. Dans 15 ans
les lecteurs audios interdits ? On trouvera bien des électroniciens pour
nous pondre des schémas pour faire son enregistreur Hi-Fi, comme on a vu
pour les décodeurs pirates Canal+. Les décodeurs avec cartes TV : cassé.
Ils changent les codes régulièrement en ce moment, avec la coupe du
monde. On trouve 1/4h après les nouveaux codes sur le net.
Il a toujours été illégal de télécharger des fichiers musicaux protégés
(et dont on n'avait pas acquis le droit d'écoute et encore moins de
redistribution) et pourtant cela a toujours été fait malgré les
punitions exmplaires, malgré les campagnes "épouvantailles" et autres
messages d'avertissement diffusés avant les films. Avec le haut-débit on
voit arriver la même chose pour les DVD. Il y a quelques siècles,
c'était les livres aussi dont la diffusion était restreinte et pourtant
on a aujourd'hui accès facilement à des bibliothèques.
Si vous avez soif de culture, il restera encore pendant des années les
bibliothèques (est-ce que beaucoup de monde ici va passer au-moins une
journée par mois dans une bibliothèque ?), pour la musique, il restera
les radios FM ou sur le net (qui pourront toujours diffuser des auteurs
indépendants). Pour les films, rien de vous empêche d'aller au cinéma.
Il existe des groupes de discussions où l'on peut s'échanger nos idées,
et ça va être difficile de les interdire. Bref la culture ce n'est pas
qu'un fichier audio ou vidéo lu sur un ordinateur. Puis il existera
toujours des labels musicaux ou des maisons d'édition de livres
indépendants. Et si les grands groupes arrivent à tout verrouiller, les
gens vont se tourner vers ces petits labels indépendants (les grands
groupes ne peuvent pas sponsoriser tous les groupes de musique par
exemple) et s'ouvrir à d'autre chose. Ils verront que les grandes
maisons offrent beaucoup de m... et finalement vont s'en désintéresser.
Cela fait quelques mois maintenant que je ne regarde plus la TV (je ne
l'ai plus, ça règle le problème) : résultat, je passe beaucoup plus de
temps qu'avant à lire des livres (romans, techniques, sur la société,
sur des modèles économiques), à écouter des musiques qui sortent de
l'ordinaire, à être plus exigents dans le choix des films que je vais
regarder, plus alerte sur le monde qui m'entoure et les changements qui
s'y produisent. Bref, ce n'est pas en fermant l'accès à la musique
commerciale que l'on va emprisoner la culture, mais en y donnant un
accès sans limite et donc en détournant l'esprit des gens de la vraie
culture. Le jours où les gens seront _obligés_ de payer pour écouter
leur musique, ils réfléchiront à deux fois sur le rapport qualité/prix
qu'on leur propose ;) Un exemple qui parle à tout le monde ici :
j'applaudis quand je vois des potes ou des collègues être dégoutés que
leur copie pirate de Windows soit bridée, qu'ils ne puissent plus la
mettre à jour sans activer une protection qui les obligera à
s'enregistrer et donc à payer l'OS ; ca les ennuis de payer un truc
pourris et restrictifs ? Eh bien passez à GNU/Linux ou *BSD !
Dernier point, surtout en France, on a la culture de la liberté. S'il y
a trop des restrictions, les français coutourneront en masse ces
barrières, et avec la lacheté de nos hommes politiques, aucun n'osera
lancer des vagues de procès ou d'amendes.
Les maisons de disques et autres distributeurs de contenus multimédias
qui sont censés représenter notre culture, sont des mouches prises au
piège de la toile Internet, et plus elles s'agitent et tentent
misérablement de sauver leur vie, plus elles s'embourbent et ne font
qu'aggraver leur cas. Moi je suis la petite araignée qui regarde et qui
rigole bien, juste aggacée de temps en temps qu'elles donnent du fil à
retordre en faisant voter des lois idiotes. Pour survivre sans changer
de modèle économique, elles auraient du vérouiller Internet dès le début
comme en Chine, et interdire le regroupement de personnes partageant
leurs connaissances en informatique et électronique. Mais c'est trop
tard pour elles, et elles ne pourront plus stopper ce mouvement de
partage de la connaissance.
Dernier point du der' de der' :) : Les politiques n'ont plus beaucoup
d'emprise sur les grosses entreprises multinationales, donc que ce soit
la gauche ou la droite, c'est pareil ... surtout à quelques mois des
élections !
Sur ce, bonne soirée !
Guillaume Lehmann