Salut Imad,

Pour ajouter aux morceaux choisis du contexte très bien rappelés par Raphaël, il faut peut être circonstancier nos échanges.

Quand j'ai débarqué dans le microcosme du réseau il y a environ 20 ans, j'étais jeune et idéaliste, donc il m'a probablement catalogué "communiste". Bigre, j'ai même participé à FDN, les pires gauchistes et du réseau. Puis j'ai même fréquenté des mendiants de l'infra.

Bon, il faut se rappeler le proverbe "Si à 20 ans tu votes pas à gauche c'est que t'as pas de cœur, si à 40 ans tu votes encore à gauche c'est que t'as pas de tête".

Entretemps j'ai pris des cours et lu des bouquins en droit, compta, économie, et plein d'autres sujets, donc que mon intérêt pour un développement local est plus motivé par le probable avènement de la fin du mondialisme que par quelque autre critique d'ordre politique.

Ouais, désolé, je suis du genre à emmerder un employeur en refusant de participer à un séminaire qui aurait plombé mon bilan carbone de près de 1,2TeqCO2 en avion parce qu'en train et vélo ça aurait mis plus de 24h pour y aller.

Dans le monde d'avant, instagrammer ses déplacements en avion était hype. Un symbole de statut social. Comme un gros SUV de luxe, le genre qui sur-consomme et qui tue les piétons et cyclistes. La toute puissance du self-made man hante les têtes conservatrices.

Perso j'ai jamais trop aimé cette construction sociale, fruit du marketing et de la pub qui ont - certes - financé beaucoup d'innovation et de services sur Internet, mais qui sont à mon avis globalement néfastes. Et de facto obsolètes car incompatibles avec nos besoins primaires de survie en tant que société.

Tout ça découle de la vision libérale façon Adam Smith, où la somme des actions individuelles (lire "égos") contribue au bien commun. John Nash a démontré quelques années plus tard que ça ne marche qu'à condition d'une considération individuelle de l’intérêt collectif.

Je crois que c'est de là que sont nés les IXP : c'est bien les transits, pratiques, plus très cher dans nos contrées, mais en faisant des choses ensemble, entre concurnisseurs et fournicurrants, on peut réduire la somme de monnaie échangée tout en améliorant la qualité des services et donc leurs valeurs.

Il se trouve qu'il y a une bizarrerie en France par rapport au reste de l'Internet : en dehors des flux de captation de données personnelles, la grande majorité du trafic se passe dans la zone francophone.

Il est en train d'émerger une autre bizarrerie : alors que notre filière nucléaire nationale redémarre enfin et que nos voisins l'abandonnent, la France va devenir une terre d'accueil attractive pour le numérique européen, et ce partout sur son territoire. OK, ça va prendre 15 ans, mais c'est "En Marche".

Ailleurs dans le monde, il y a tout plein d'IXP commerciaux. Equinix, DE-CIX, AMSIX… Ceux-là ont une stratégie expansionniste et opportuniste. Une forme de boulimie qui ressemble pour moi plus à une fuite en avant qu'une fonction d'utilité sociale et sociétale.

Je n'aime pas l'idée qu'un IXP se projette hors de sa zone d'utilité, qu'il fasse concurrence à un autre (dans le sens où il en faut un ou deux par plaque, pas plus il me semble), et encore moins à ses membres. Je préférerais faire du bon travail dans un périmètre limité que de cramer du fossile pour se tirer la bourre juste par principe.

En ça, j'ai apprécié les valeurs fondatrices de France-IX, qui, part son architecture quasi-bicéphale, devait garantir une préoccupation d'utilité et une robustesse face au marché. Ce qu'on appelle la "RSE" de nos jours.

Et puis, comme d'habitude, ça a merdé. Le business a voulu prendre le pas sur les valeurs. Parce que certains égos ne savent pas fonctionner autrement, ou parce que c'était une tendance du marché à ce moment ? Je ne sais pas.

Toujours est-il qu'on a du boulot à faire en France et zones limitrophes. Qu'il y a encore plein de DOM français dépourvus d'infrastructures comme celles que nous savons fabriquer. Et si on commençait par là ?

Et puis il y a plein d'autres utilisateurs, entreprises et services publics, qui pourraient gagner en résilience et coûts en apprenant à faire comme nous. Et si on le leur expliquait ? On pourrait consolider plein d'autres choses actuellement problématiques, telle que la convergence des moyens de communication prévue par NG112 au niveau européen…

Alors on a deux possibilités : soit on reste la grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf, soit on s'occupe avant tout de ce qu'on peut bien faire chez nous et essaimer ces réussites.

Un IXP repose sur le principe de coopération. Ce n'est pas, par vocation, une structure simplement commerciale.

C'est cette idée que je défend, et qui déplaît visiblement aux capitalo-béhats.

Bien cordialement,

Le 10/05/2023 à 14:56, solt...@imad.fr a écrit :
Magnifique 😄 on se demande comment la personne ( https://twitter.com/rmaunier/with_replies ) qui a ecrit dans ce thread https://twitter.com/rmaunier/status/1655705582727299074 ( utiliser les with_replies pour lire les reponses plutot que le thread lui meme , qui peut etre complexe a afficher completement en fonction de votre client ) est la meme personne qui a ecrit ce joli texte digne du Figaro 😄

mais ca doit etre ce niveau d'asymetrie qui permets d' "avoir une vision internationale et ouverte sur le monde"

😄

On 10/05/2023 13:26, Raphaël Maunier via frnog wrote:
Hello à la mailing-list,

Je souhaiterais partager avec vous aujourd'hui l'histoire de France-IX, et l'importance de voter pour des personnes compétentes et ayant une vision internationale lors des élections pour le conseil d'administration de Franceix. Nous devons nous assurer que des personnes compétentes soient élues afin d'éviter que notre point d'échange soit ringardisé par des individus qui n’ont pas les compétences requises.

L'histoire de France-Ix commence lorsque j'étais chez Neo Telecoms et que j'assistais à des conférences à l'étranger telles que le NANOG, le RIPE, l'EPF et le GPF. En fréquentant cette communauté, j'ai réalisé que les acteurs français étaient mal représentés et avaient une très mauvaise réputation. En effet, Orange et Free avaient la pire réputation en matière de peering, et l'accès aux "eyeballs" était très compliqué pour les acteurs étrangers ( et locaux aussi )

C'est lors d'un EPF à Dublin que j'ai rencontré Maurice Dean, et nous avons commencé à discuter de la création d'une fédération des points d'échange en France. À cette époque, les points d'échange historiques tels que Parix et Sfinx n'avaient plus de stratégie, le Freeix n'était pas viable, et le seul point d'échange viable était le Panap, une initiative des ingénieurs de Bouygues Telecoms qui était en perte de vitesse car sans business model. Le Panap était la meilleure initiative depuis le Freeix, et nous avons beaucoup bénéficié du travail qu’il avait fait, et sans le Panap, Franceix n’aurait pas eu le même succès.

Nous avons commencé à travailler sur ce projet et avons réussi à convaincre d'autres personnes de nous rejoindre pour mener à bien notre mission. Nous avions besoin de différents profils : technique, marketing, stratégique, etc. Nous avons également obtenu le soutien sans faille d'Interxion et surtout de Fabrice Coquio, qui est devenu notre meilleur avocat dans le groupe Interxion et pour les clients que nous voulions toucher.

Cependant, nous avons également rencontré des obstacles, notamment avec Equinix, qui voulait faire monter en charge son IXP et ne voyait pas d'un bon œil notre projet. L'un des dirigeants de l'époque a même mis une pression importante sur mes supérieurs pour me demander d'arrêter et a même tenté de me faire licencier. Heureusement, Didier et Florian ont compris l'importance de notre projet et m'ont soutenu. Bien sûr, depuis l'eau a coulé sous les ponts, et j'ai pu m'entretenir avec Equinix par la suite, et tout s'est arrangé et la hache de guerre enterrée. Je tiens à ajouter, que lorsque  nous avons monté Acorus Networks, Equinix nous a supporté et nous a même aidé à trouver des clients dans le programme partenaire (et nous les en remercions :) )

Nous avions besoin d'un leader et d'un gestionnaire pour mener à bien cette aventure. C'est alors que nous avons décidé d'aller débaucher Franck, que j'avais pris en embuscade à un EPF à Lisbonne. Cependant, il y avait encore beaucoup de travail à faire pour négocier, signer des contrats, convaincre, etc. C'était un travail colossal et il fallait qqn qui sache parler à des industriels, des grosses entreprises et la communauté ( il le faisait déjà au Sfinx ) Depuis Franceix a été construit par les équipes avec le leadership de Franck avec son succès qui est indiscutable.

En effet, la réussite de Franceix montre qu'il est important d'avoir une vision internationale et ouverte sur le monde pour réussir dans un projet d'une telle envergure. Si les membres fondateurs avaient eu une vision fermée, trop centrée sur la France ou sur une communauté spécifique, cela aurait  limité leur capacité à convaincre les acteurs clés et à établir des partenariats stratégiques avec des entreprises étrangères. Au lieu de cela, en ayant une vision claire et en étant ouverts aux opportunités internationales, ils ont pu obtenir le soutien et la collaboration de partenaires étrangers, ce qui a contribué au succès de Franceix.

Si vous avez des questions vous pouvez me contacter offline sans alimenter un troll ici.

Raphael



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Jérôme Nicolle
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