J'ai écrit un texte (voir ci-dessous) sur le sujet.
L'envoyer à l'UE c'est bien, mais l'envoyer à de
bonnes adresses en Suisse me paraît plus utile.
Sauf que je ne sais pas à qui l'envoyer (sauf peut-
être à l'Hebdo en copie).

Où envoyer son avis en Suisse ?

Autrement votre avis m'intéresse aussi beaucoup, voici
le texte, il faut l'envoyer avant le 15 (oui ça fait
aujourd'hui, je sais, hélas).

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                 Les brevets logiciels considérés nuisibles

Par Marc Mongenet, ingénieur informaticien diplômé de l'École polytechnique
                   fédérale de Lausanne

Décembre 2000


Voici les points qui sont développés dans ce texte :

* La protection par le droit d'auteur est tout à fait satisfaisante
* L'innovation technique des logiciels est freinée par les brevets
* Les brevets informatiques ne contribuent pas à la diffusion des connaissances
* La protection supplémentaire offerte par les brevets est trop aléatoire
* Des effets pervers sont déjà observables
* Les innovations les plus diffusées reposent sur des technologie libres


* La protection par le droit d'auteur est tout à fait satisfaisante

Cette protection offre des avantages considérables aux auteurs de logiciels.
Elle est automatique, gratuite, de très longue durée, simple et souple.
Elle est unanimement appréciée par les auteurs de logiciels, qu'il s'agisse
d'une grande entreprise ou d'un particulier.

Même les partisans du logiciel libre - dont Linux est l'exemple le plus
connu - se reposent très fortement sur cette protection. Tirant parti de la
souplesse de cette protection, ils utilisent même souvent une licence très
particulière, dite Copyleft, la GNU General Public License (voir
<http://www.fsf.org/copyleft/gpl.html>). Ce qui n'empêche pas qu'ils observent
de manière pointilleuse le respect de leur licence (voir
<http://kt.linuxcare.com/kernel-traffic/kt20001106_92.epl#9>).

En plus des qualités pratiques de la protection des logiciels par le droit
d'auteur, son application est supportée par le fait que tout logiciel est
décrit par un texte écrit dans un langage informatique. Or ce texte a déjà été
reconnu au même titre qu'un poème ou qu'une partition de musique comme
étant un moyen d'expression (voir
<http://techlawjournal.com/courts/bernstein/19990506.htm>).


* L'innovation dans les logiciels est freinée par les brevets

Le travail quotidien d'un auteur de logiciel consiste à appliquer des théories
abstraites à des cas concrêts. Comme dans les autres domaines techniques,
une certaine ingéniosité est requise pour appliquer une théorie à un cas
concrêt. Pourtant dans la cas de l'informatique les brevets n'encouragent pas
cette innovation. La principale raison tient dans une particularité
exceptionnelle propre à l'industrie informatique : les coûts de production
(de réplication en l'occurrence) tendent vers zéro, et ils peuvent même
atteindre zéro dans le cas de la distribution par Internet (ce qui a permer la
large diffusion des logiciels libres).

En fait des constructeurs de programmes ne font que du développement et de la
mise au point. Alors que les constructeurs d'objets tangibles peuvent cesser
tout développement et tirer profit d'un processus de construction rentable,
un industriel en informatique cessant le développement ne pourra plus lutter
une fois concurrencé par des logiciels gratuits. Or les logiciels gratuits
sont de plus en plus nombreux.

Le développement étant l'essence de l'industrie de la construction de
logiciels, des brevets n'incitent pas à l'innovation.

On peut même ajouter que les brevets déjà effectifs gènent le développement
de solutions informatiques. En effet, tout logiciel informatique requiert
des centaines, voire des centaines de milliers d'applications de la théorie.
Bien sûr la plupart de ces applications sont plus ou moins directes ou même
évidentes aux yeux des informaticiens. Malheureusement l'évidence n'arrête de
loin pas toujours la brevetabilité (voir
<http://www.fourmilab.ch/autofile/www/chapter2_105.html#pato> et
<http://www.bizjournals.com/kansascity/stories/2000/04/03/focus8.html>) d'une
innovation informatique.

Cette pratique qui se veut une incitation supplémentaire est une gêne
considérable à tout développement de logiciel. Pour éviter toute violation
involontaire de brevet il faudrait préalablement procéder à des centaines,
voire des centaines de milliers de vérification, même sur des applications
évidentes, avant tout développement. C'est clairement irréaliste.


* Les brevets ne contribuent pas à la diffusion des connaissances

De nombreuses causes concourrent à cette situation.
- Les innovations les plus pointues sont d'un haut niveau d'abstraction
  (parfois du domaine mathématique) et donc non brevetables.
- Les brevets sont généralement écrits dans un langage trop vague et trop
  contorsionné pour être exploitables, voire seulement compréhensibles.
- Le rythme des innovations en informatique rend souvent les brevets
  obsolètes à leur échéance, sauf lorsqu'ils sont suffisament vagues pour
  couvrir des applications inimaginables lors de leur dépôt
  (par exemple <http://www.infowar.com/law/00/law_062000d_j.shtml>).
- La littérature technique utilisée par les auteurs de logiciels ne fait
  jamais référence à des brevets, sauf pour les mettre en garde contre une
  application protégée. Cette littérature décrit en effet souvent des méthodes
  standardisées qui perdraient beaucoup de leur attrait si elles étaient
  limitées par un brevet. En outre cela reflète le peu de valeur intellectuelle
  de la majorité des brevets logiciels.


* La protection supplémentaire offerte par les brevets est trop aléatoire

Les descriptions vagues des brevets, leur nombre de brevets et l'évidence des
innovations qu'ils peuvent couvrir rendent leur utilisation aléatoire. Les
brevets sont souvent cités comme moyen de défense des petites entreprises
contre les grandes. Mais une petite entreprise ou un particulier, n'ont souvent
pas les ressources pour engager une procédure judiciaire longue, complexe et à
l'issue incertaine. En outre les grandes entreprises se sont généralement
constitué des «murs de brevet» qui leur permettent de contre-attaquer.


* Des effets pervers sont déjà observables

  - Des innovations pourtant standardisées et plus efficaces que les
    outils actuels ne sont pas utilisées car contrebalancées par les
    inconvénients du brevet qui les couvrent. Par exemple la compression par
    codage arithmétique prévue dans le standard JPEG (format d'image largement
    utilisé sur le World Wide Web) n'est jamais utilisé.
  - Des firmes se spécialisent dans les litiges plutôt que sur l'innovation,
    voir par exemple le cas de Rambus commenté par un dirigeant d'Intel.
    <http://biz.yahoo.com/iw/001019/bu.html>
  - Un brevet peut permettre d'interdire l'inter-opérabilité entre logiciels
    et totalement supprimer la concurrence en rendant impossible le
    développement de logiciels compatibles.
  - En brevetant des opérations de cryptage on peut cacher des opérations
    indésirables voire illégales comme la censure
    (voir <http://www.peacefire.org/censorware/Cyber_Patrol/>) ou l'espionnage
    de l'utilisateur d'un logiciel. Si décryptage est breveté, alors il est
    impossible de construire un décrypteur pour mettre à jour le comportement
    fautif sans violer le brevet.


* Les innovations les plus diffusées reposent sur des technologie libres.
  - Aujourd'hui plus de 90% des micro-ordinateurs sont dit compatibles avec
    l'IBM PC. IBM a lancé cette gamme de micro-ordinateurs alors que des
    concurrents étaient déjà bien établits (Apple, Commodore), mais avec
    chacun une gamme propre non inter-opérable avec les autres.
    Le succès continu des PC existe grâce à ce qui fut appelé les cloneurs.
    Ces constructeurs (on peut cité Compaq ou Dell) ont en effet pu proposer
    des ordinateurs parfaitement inter-opérable avec l'IBM PC. La concurrence
    et la diversité des offres résultant sont à l'origine l'omniprésence
    actuelle des PC.
  - Le fonctionnement de l'Internet est décrit dans des documents (les
    Request For Comments) librement disponibles.
  - Tim Berners Lee, inventeur du World Wide Web, a souvent expliqué que s'il
    avait tenté de tirer profit de son invention en protégeant sa diffusion,
    alors elle aurait automatiquement perdu de son attrait.
  - La licence utilisée par la plupart des logiciels libres (dont GNU/Linux)
    qui sont les logiciels ayant actuellement la plus forte croissance
    <http://news.cnet.com/news/0-1003-200-4111945.html> n'est tout simplement
    pas compatible avec les restrictions imposées par un brevet (voir la "IBM
    Public License" dans <http://www.fsf.org/philosophy/license-list.html>).


-- 
Marc Mongenet
--
http://www-internal.alphanet.ch/linux-leman/ avant de poser
une question.

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