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vous est transmis par jean-louis.bader ([EMAIL PROTECTED]).

all,

"Palladium" commence à faire couler beaucoup d'encre...
Je vous invite à la lecture de l'article consacré à ce fabuleux projet de µ$, 
paru dans "le monde" du 28/01/03

jean-louis.bader
[EMAIL PROTECTED]

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Analyse
La tentation de Microsoft
Mardi 28 janvier 2003
(LE MONDE)


Sortie victorieuse d'un procès qui menaçait de la démanteler, la firme de Bill 
Gates prépare une révolution qui relègue ses précédentes tentatives 
hégémoniques au rang de péchés véniels. La nouvelle technologie Palladium, que 
la société Microsoft vient de rebaptiser "Next-generation secure computing 
base", est à même de provoquer l'un des plus grands bouleversements de 
l'histoire de l'informatique (Le Monde du 17 janvier). Prévue pour être 
déployée vers 2005, elle consacrera sept années de recherche et de 
collaboration intensive avec tous les industriels du secteur. Objectif 
premier : sécuriser les communications électroniques et rendre envisageable un 
étroit contrôle des contenus soumis à des droits d'auteur. Un contrôle qui 
permettra aux producteurs de contenus d'inventer toutes sortes de modes de 
facturation : l'abonnement au catalogue d'une maison de disques contre un 
paiement forfaitaire mensuel, le paiement à l'usage des logiciels, etc.
 

Les intentions affichées sont économiques. Mais le déploiement d'un tel système 
engage des choix de société et pose des questions de souveraineté nationale.
 

Dans un futur proche, les ordinateurs seront ainsi équipés d'une puce 
supplémentaire qui recélera un identifiant unique. Couplée à un logiciel 
autorisant l'exécution des programmes numériquement signés selon les critères 
de Microsoft, cet identifiant pourra être utilisé pour autoriser – ou refuser – 
l'accès à tel ou tel fichier. Sur la foi d'informations circulant dans la 
communauté scientifique, un chercheur peu suspect de vues anti-Microsoft 
explique qu'un tel dispositif "revient à soumettre toutes les commandes passées 
sur une machine à une autorisation extérieure, délivrée ou refusée 
automatiquement par un serveur". L'accès à un document enregistré sur un disque 
dur pourra être ainsi soumis à l'approbation d'une autre machine, peut-être 
située dans un pays étranger.
 

Avant de statuer, l'ordinateur de contrôle vérifiera la conformité du logiciel, 
du matériel et des droits d'accès à un fichier dès lors qu'il est protégé par 
le droit d'auteur ou par des certificats de confidentialité. Le contrôle, 
prévient un chercheur, pourrait s'étendre à des documents créés localement, qui 
ne deviendraient lisibles que par certains programmes et non par leurs 
concurrents. De quoi rendre définitivement captifs les utilisateurs tentés par 
le changement.
 

Les plus virulents détracteurs de Microsoft voient dans cette stratégie la 
naissance d'un avatar du "ministère de la vérité" de George Orwell (1984). Il y 
a là, sans doute, quelque exagération : le système ne devrait pas recueillir de 
données directement nominatives. Reste que le potentiel du dispositif ouvre la 
porte à des dérives, surtout en ces temps de "lutte antiterroriste". Pour clore 
toute discussion, Microsoft précise que les versions de Windows auxquelles sera 
intégré Palladium laisseront le choix aux utilisateurs d'utiliser ou non cette 
batterie de fonctionnalités.
 

Certes. Mais tous les producteurs de "biens immatériels" vont s'engouffrer dans 
la brèche. Dès le déploiement du dispositif, de nouveaux formats de fichiers 
apparaîtront et ne seront accessibles qu'à ceux qui auront choisi Palladium.
 

Après ce Yalta informatique, il faudra choisir. Adopter un système protecteur 
et contraignant, qui ouvre toutes les portes, ou demeurer dans un environnement 
classique dont le territoire se réduira progressivement comme peau de chagrin. 
En somme, ce sont deux cyberespaces qui, à terme, pourraient coexister. L'un, 
contrôlé, dans lequel les virus ne pourront plus s'exécuter et le piratage de 
la musique sera impossible ; dans l'autre, les utilisateurs, au prix de 
certains risques, resteront seuls maîtres de leur machine.
 

DÉSACTIVATION DES LOGICIELS
 

Bien entendu, Microsoft parie sur une adhésion massive, voire passive. Mais 
rien n'est moins sûr. Depuis que l'ordinateur personnel est entré dans les 
foyers, une "culture" de la chose informatique se développe. Une "culture" qui 
véhicule, entre autres, une certaine méfiance vis-à-vis des capacités de 
fichage et de surveillance. Et cette méfiance pourrait être plus prégnante que 
ne le pensent les dirigeants de Microsoft. Toutefois, selon un chercheur 
britannique sollicité à l'automne 2002 pour examiner le projet Palladium, les 
caciques du géant américain de l'informatique sont divisés. "A Redmond, des 
départements entiers de l'entreprise s'opposent au déploiement de Palladium et 
annoncent un désastre", confie-t-il.
 

Le grand public ne sera pas le seul à convaincre. Les gouvernements comptent 
parmi les clients importants de Microsoft. Et le débat sur Palladium commence à 
poindre alors que les Etats, refroidis par la nouvelle politique de 
tarification des logiciels et le manque de transparence de ceux-ci, sont tentés 
d'adopter Linux, un système d'exploitation gratuit et ouvert, développé par des 
informaticiens et des chercheurs bénévoles. Les gouvernements allemand et 
britannique, notamment, ont ainsi récemment installé Linux sur une partie de 
leurs serveurs, se détournant ainsi du produit phare de Microsoft. Ce mouvement 
ne date pas d'hier. En France, Jean-Yves Le Déaut, député (PS) de 
Meurthe-et-Moselle, avait ainsi déposé un projet de loi en mai 2000 visant à 
contraindre toutes les administrations publiques à utiliser des logiciels 
libres et ouverts. Le texte avait été jugé inapplicable.
 

La tentation de passer outre Windows est donc bien là. Et si la technologie 
Palladium promet de protéger les gouvernements contre les programmes malins et 
les intrusions intempestives, elle pourrait leur ôter une part de souveraineté 
sur leurs systèmes d'informations. Un chercheur explique ainsi qu'un 
gouvernement utilisant Palladium pourrait prêter le flanc à la désactivation de 
ses logiciels en cas de litige avec ses fournisseurs.
 

Dans le cas particulier des Etats, et sur ce point précis, des amendements 
techniques à Palladium sont vraisemblablement à prévoir. Mais c'est, pour une 
part, à la lumière du futur dilemme que devront trancher les gouvernements – 
"oui" ou "non" à Palladium – qu'il faut lire le lancement du Government 
Security Program du géant de Redmond. Lancée le 15 janvier dernier, cette 
initiative vise notamment à rendre les secrets de fabrication de Windows plus 
accessibles à certains Etats.
 

D'autres interrogations demeurent. Le déploiement de Palladium pourrait ainsi 
contrevenir aux législations nationales sur le traitement des données 
personnelles : l'identifiant d'une machine pourrait en effet être considéré 
comme une donnée indirectement nominative, car elle permet de remonter au nom 
du propriétaire via une simple facture d'achat. Les autorités de contrôle 
chargées de veiller à la conformité des logiciels et des contenus numériques 
utilisés par les internautes seront-elles soumises aux lois en vigueur dans 
chaque pays ? La question est d'autant plus ouverte qu'elle n'a pas été posée.
 

Stéphane Foucart

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