Je ne sais toujours pas très bien où je me situe par rapport à vos démarches, mais ces derniers échanges me donnent envie de parler de la 'directions pédagogique' qui m'intéresse, que je ne puis hélas argumenter faute d'expérience...
Cependant, ce qui intuitivement me distingue des différents points de vue qui apparaîssent sur la liste est l'accent mis sur le développement individuel.
Je m'explique : Le développement personnel de l'enfant est la priorité, la mienne et la votre. Ce qui me semble différer, c'est le moyen d'y parvenir.
J'ai envie, pour mes élèves, non pas de les conduire sur leurs projets personnels, mais sur les projets du groupe ou groupe classe. C'est à dire de leur proposer des axes de travail qui aboutisent collectivement à la réalisation de quelque chose. Si j'avais des CM, par exemple, je leur proposerais la réalisation d'une exposition ou d'une revue documentaire sur les mathématiques, qui aborde les notions, les concepts, et l'histoire de la discipline d'une part, et mette en jeu des comportements 'professionnels' pour la réalisation de l'expo ou du documentaire (mise en page, présentation, diffusion à l'extérieur...).
J'assume entièrement l'idée d'avoir envie de quelque chose pour eux, ainsi que celle de leur proposer quelque chose, car je sais que ce qui m'importe est qu'eux avancent dans leur vie. Je suis entièrement à leur service et accueillerais avec enthousiasme leur idées. Je cherche surtout à les faire s'épanouir d'une part dans le travail partagé avec les autres, et d'autre part dans l'offrande que leurs réalisations peuvent faire à la société.
Il me semble possible - et très enrichissant - de trouver sa place dans un projet qui n'est pas nécessairement le sien, de se l'approprier, quitte à y participer de manière moins polyvalente (par exemple en se  spécialisant dans l'écriture des textes, ou la mise en page pour ceux que les mathématiques rebuteraient trop).
J'ai envie d'une école qui s'ouvre vers l'extérieur en faisant circuler ses productions à l'extérieur, en ouvrant à la visite publique son jardin botanique (projet passionnant à mener pour une classe ce cycle ! ). Bref, que les enfants ne soient pas seulement consommateurs des savoirs qui leur viennent du monde, mais producteur aussi, pendant qu'ils le peuvent, c'est à dire avant de songer à aller gagner leur croûte en fabriquant des robots ménagers.
Je n'ai pas la moindre idée de la manière dont cette perspective pédagogique peut prendre forme au quotidien dans une classe. Beaucoup  de vos pratiques peuvent y être intégrées. Ma recherche est proche de la pédagogie de projet mais je tiens vraiment à ce que les projets dépassent le cadre de l'école et le public familial. Par ailleurs, il y a une partie des apprentissages qui ne peut passer seulement par le projet... Et surtout, là où je m'en écrate vraiment, c'est dans la finalité : dans la pédagogie de projet (pour ce que j'ai cru comprendre), le projet est un 'alibi' pour autre chose : la formation des enfants. De mon point de vue, le projet a pour finalité de participer à la vie sociale et culturelle, d'apporter sa contribution à l'enrichissement du monde. Cet enrichissement passe nécessairement par la maîtrise des contenus autour duquel tourne le projet -tant mieux pour une instit ! sinon je changerais de métier !
Je ne veux pas me lancer dans un grand acte d'humanisme qui soutiendrait que les enfants ont 'aussi' des choses à apporter. Car les fait sont là : les enfants, les adultes, les vieillards ont des choses à apporter. Il me semble qu'il n'y a, de ce point de vue, rien à défendre. Ce que j'ai envie de faire passer à mes élèves, c'est que chacun de leur projet fait avancer le monde et que le choix du sujet donne la direction dans laquelle ils veulent le faire avancer.
Bon comme je deviens de plus en plus idéaliste en écrivant, je vais m'arrêter là, sinon demain j'y serais encore...et vous aussi peut-être !
 
Deux choses encore :
- Sur l'homme et le projet, lire absolument 'Anthropologie du Projet, de Jean-Pierre Boutinet, ed PUF. A mon avis, le livre qu'il faut avoir lu dans sa vie pour une très bonne connaissance de l'homme et de la civilisation dans sa relation au temps et à son devenir. Dimension abordées : philosophique, sociale et pratique (à travers l'exemple de l'architecture). Se lit bien, contrairement à ce que peuvent laisser penser les mots savants des titres des paragraphes.
- Sur les remarques autour de l'école troisième type : je ne me sens pas capable d'avoir un avis, d'où mon silence et par ailleurs, je n'arrive pas à comprendre ce que c'est, une école 3ème type (ce qui montre au moins que la présentation qui en est faite ne me permet pas d'y voir clair). et si je n'ai rien dit juste là, c'est que je ne comprends pas ce que j ne comprends pas, donc je ne sais pas quoi demander ! J'attends, tranquillement de voir émerger des directions, des info qui me mettront sur la piste de quelque chose. Mais si vous pouvez m'expliquer, c'est bien volontiers, d'autant que j'attends d'avoir compris pour y participer.
 
A bientôt
Emmanuelle
-----Message d'origine-----
De : Philippe Ruelen [mailto:[EMAIL PROTECTED]
Envoyé : mercredi 22 juin 2005 12:06
À : 3type@marelle.org
Objet : [3type] L'école du 3ème type

A quelques jours de la fin de cette année scolaire, je me dis, qu'au final, l'école du 3ème type, c'est quelque chose de simple finalement même si, on passe par des détours un peu compliqué parfois pour faire simple.
 
Je me dis cependant qu'on peut éviter de prendre les mêmes chemins détournés que certains et profiter des essais des uns et des autres. Je dis "on peut éviter"et non "on doit éviter" car, souvent, on a besoin de prendre nous-même ces chemins détournés, moi le premier !
 
Bref, après avoir pris un nombre important de chemins détournés, rencontré des culs de sac, je suis arrivé en cette fin d'année à avoir des idées beaucoup plus claires. Je ne sais pas si ça peut aider mais voilà où j'en suis :
 
Les enfants déclenchent des projets : ça veut dire qu'on ne fait rien tant qu'ils n'ont rien fait ;-) Très vite, ils font quelque chose. Je m'informe des projets et les note. Le pense-bête est affiché et réactualisé chaque jour. En face du projet, l'activité ou les activités à conduire pour mener à terme le projet sont inscrites. Mon rôle va consister à suivre chaque projet de sorte que l'enfant le mène à son terme - du moins les projets dont j'ai connaissance, cad ceux que je note sur le pense-bête. C'est l'enfant qui enclenche le projet (du moins la première activité du projet) mais je veille à ce qu'il le mène à son terme. Par ailleurs, je l'aide à associer à son projet des activités afin de maîtriser son projet : ces activités (type et nombre) dépendront du niveau de l'enfant (mais aussi de l'état psychologique du moment)  et des progrès - que je pense - qu'il pourrait faire via ce projet. Par exemple : un enfant se lance dans l'écriture d'un documentaire. Lors de la correction, je me rends compte qu'il ne parvient pas à choisir correctement entre 'é' et 'er'. Je lui dis de faire un exercice d'orthographe associé pour essayer de comprendre comment ça marche. Cette activité s'inscrit alors dans son projet. Dans ce cas, j'ai très rarement besoin d'expliquer comment ça marche (du moins en fin d'année) car l'entraide est alors largement suffisant. Bref, cette activité décrochée d'orthographe associé à un projet d'écriture ressemble fortement à ce qui est préconisé par l'IUFM et les méthodes actives. La différence, essentielle pour moi et pour quelques collègues avec qui on a écrit le texte "les 3types" (et pour lequel il n'y a eu toujours aucune réaction sur la liste, sniff :-(  ), c'est que le projet est déclenché par l'enfant. L'enfant s'engage, et l'instit l'aide à aller au plus loin et surtout à mener à terme son projet. Bref, c'est comme à la maison lorsque les enfants sont nombreux et lorsque nous prenons le temps d'être avec eux :
- si on leur demande de faire une activité (y compris un jeu), ils ne veulent pas ; ça ne marche donc pas.
- si on leur demande de faire une activité avec nous, ça marche pour qelques uns mais pas pour tout le monde
- si on s'intéresse à ce que chacun fait, et qu'on les aide à aller plus loin, ça marche. Ca marche si bien d'ailleurs que les uns profitent des activités des autres, et que l'entraide devient naturelle.
 
C'est pourquoi l'école est bel et bien une maison éducative : environnement riche et présence de l'adulte pour les aider.
Il me semble que plus l'environnement est riche et plus l'hétérogénéité des enfants est grande, moins la présence de l'adulte est nécessaire car les tâches décrites ci-dessus faîtes par l'instit sont faîtes par les enfants eux-mêmes.
 
Le rôle pédagogique de l'instit va constituer à proposer des activités diverses et variées à partir du projet de l'enfant de sorte qu'il puisse développer tous les langages et entreprendre donc des activités dans des domaines que l'enfant aurait tendance à écarter. Si l'enfant voit un intérêt à s'y confronter via son projet, il entreprendra l'activité en question de manière positive. Et on sait bien que la manière dont l'enfant va aborder une activité est primordiale !
 
Remarque : Dans l'Ain, y a une seule école à étiquette : il s'agit d'une école Montessori vers Belley. Quelques collègues l'ont visité et il semblerait que leur fonctionnement ressemble beaucoup à l'école du 3ème type. Vous avez des infos sur les écoles Montessori ?
 
 
Philippe Ruelen

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