Le 14/04/2023 à 14:51, Stéphane Rivière a écrit :

Je suis totalement incapable de savoir si ces projets ont viabilité quelconque 
et si oui, à quel horizon, mais c’est intéressant.
Bon, ça c'est ma partie, alors... Et on est vendredi... Chic :)


Hexana

400 MWth ~ 130 MW électriques (ben oui, rendement de 30 %, comme une
machine à vapeur d'il y a deux siècles, ce qui est normal, c'est une
machine à vapeur).

Le coup du stockage de chaleur c'est pas con car les variations de
puissance usent prématurément. Ce que font actuellement les éoliennes en
détruisant de façon accélérée nos vieilles centrales nucléaire)

Ah ! Le réacteur à neutron rapide, on nous refait le coup du NERSA avec
toujours ce putain de sodium liquide qui s'enflamme spontanément (quand
il est chaud) au contact de l'air ou explose au contact de l'eau.
Éteindre un feu de 500 tonnes de sodium dans de l'air et sans eau, ça
devait pas être évident d'être pompier nucléaire sur ce site. Sans
compter que les centrales au plutonium (cinq tonnes dans ce cas), c'est
d'abord un risque chimique (1ug - 1 millionième de gramme - de plutonium
ingéré = mort).

Bref du vieux bullshit, mais miniaturisé par rapport au NERSA (nom
officiel de Superphénix, qui était une coprod DE, FR, IT sur le sol FR),
en interne c'était NERSA (nom de la joint-venture internationale je crois)

Le NERSA était une abomination conceptuelle. Le souvenir des milliers de
tonnes de sodium et le fameux barillet en font encore frémir plus d'un.
Compte tenu de l'environnement du NERSA, un incident majeur aurait pu
tuer des centaines de milliers de personnes et oblitérer une réion
entière. Le NERSA a quand même tué sur un demi siècle - je compte à
partir de Phénix - mais seulement plus d'une centaine de milliards
d'euros (on verra le décompte à la fin du démantèlement complet, bien
passé 2030, malgré leurs prévisions). Ce qui est un moindre mal.


Sur les 30% de rendement, malheureusement les REP (réacteurs à eau pressurisé) n'arrivent pas à sortir de la vapeur aussi chaude qu'une chaudière au charbon, fioul, gaz. La vapeur étant à une température plus faible, le rendement est moins bon (cycle vapeur, liquide, condensation ...). C'est pourquoi il y a d'autres pistes que uranium faiblement enrichi / eau (les REP) et qu'il y a encore de la recherche dans le nucléaire, car il y a d'autres combinaison dans le but d'améliorer le rendement et la sûreté.

Le sodium n'a pas que des inconvénients, je te spoil un peu le bouquin sur Phénix (en attendant que tu le lise) mais grâce au sodium le BR est accessible et visitable lors de l'exploitation (contrairement aux REP) et permet de l'inspection en cours d'exploitation. On arrive très bien à faire de la tuyauterie fiable (à 155 bars) et isolée sur les REP, cette eau contient des éléments radioactifs, on n'a pas intérêt à y voir une fuite. Si le sodium remplace l'eau, les contraintes elles restent les mêmes. Tu y lira d'autres éléments intéressants comme la taille du coeur de Phénix versus la masse de sodium, la dissipation de l'énergie résiduelle (justement en cas de fuite du caloporteur et de l'indisponibilité des générateur de vapeur pour l'évacuer), l'inertie thermique de Phénix...

Phénix était un prototype (donc ça reste de l'expérimentation), le livre écrit que les doses prises par les travailleurs sur Phénix étaient inférieures à la moyenne des doses prises sur les REP.


Le livre donne les chiffres, les schémas, les raisonnements ... c'est bien mieux expliqué que ce que j'écris ici.
Tu pourras ainsi te faire ton avis.

[...]

Globalement, il n'y a pas de solution idéale. Même dans le thermique à flamme il y a de la recherche, celui qui inventera un cycle qui explose les rendements sera richissime, il y a beaucoup d'appelé, mais les élus sont rares.

Une remarque pour terminer : si les pilotes de centrales EDF sont des
seigneurs très bien entraînés (et tout contre le BR, ce qui doit motiver
pour ne pas faire n'importe quoi), le niveau d'omerta d'EDF est
inconcevable. Mais, finalement, compte tenu de la connerie humaine,
c'est peut-être mieux ainsi (non, je plaisante, la poussière sous le
tapis finit toujours par faire une bosse).


Ca c'est clair que c'est une industrie opaque. On est malheureusement dans une époque où une personne lambda se permet d'apporter son avis et son expertise sur un sujet qu'il ne maîtrise pas. Il n'y a plus de respect pour le technicien/expert et son avis/expertise est remise en cause. Les plateaux de TV sont remplis de ces experts.

Ce qui me rassure, c'est qu'à la lecture de ces bouquins je comprends que:
* c'est une industrie qui a un vrai penchant pour la théorie et l'expérimental dans le sens où la théorie doit être prouvée avant de démarrer un réacteur (même après un rechargement combustible). Là où la théorie disparaît/se réduit fortement une fois après la fin des études, la théorie est très présente dans l'exploitation d'une centrale. Sur le 2ème bouquin (pilotage REP), tous les chapitres sont bourrés de théorie, puis l'instrumentation des installations (la vraie vie) confirme la théorie. Donc on est capable d'expliquer ce qui se passe et de maîtriser les éléments de la centrale;
* c'est une industrie très contrôlée;

En voyant le retard de l'EPR et du réacteur Jules Horowitz montrent qu'on a placé le curseur de la sécurité bien avant le curseur de la rentabilité économique et que malgré les retards et le surcoût on n'a pas changé les plans pour finir au plus vite, le curseur de la sécurité n'a semble-t'il pas bougé à la baisse.

Je m'inquiéterais le jour où on sacrifiera la sûreté (au bénéfice d'autre chose) mais je pense que les salariés du nucléaire se rebelleront les premiers car ils seront les premiers concernés.

Jérôme

--
Jérôme Marteaux


---------------------------
Liste de diffusion du FRnOG
http://www.frnog.org/

Répondre à