Avec les enfants et Hélène, on a essayé plusieurs manières
d'organiser la prise de parole à la réunion. Avant nos essais, ils levaient
la main et un enfant, différent chaque journée choisi par l'ancien donneur
de parole parmi les volontaires, distribuait la parole.
Mardi dernier, lors d'une réu au GEM01 (GD Ain), on reparle de
la méthode GLEM utillisée par 2 de nos collègues.
Cette méthode consiste à noter ceux qui lèvent la main pour
prendre la parole de sorte qu'ils peuvent la baisser. Le donneur de parole
distribuant la parole dans l'ordre. Ainsi, un enfant lève le doigt, le donneur
de parole le note, lui fait un p'tit signe de tête et peut ainsi baisser la main
; il aura la parole puisqu'il est inscrit.
Je trouvais la méthode trop lourde, trop distante coupant
toute spontanéité mais j'ai retenu un argument. Cet argument présentait non pas
un avantage de cette méthode mais un inconvénient du "levage de main classique
avec donneur de parole" : un enfant levant la main n'écoute plus car il veut se
montrer de plus en plus pour que l'animateur le voit et lui donne la parole ;
bref, il ne pense qu'à avoir la parole, n'écoute plus les autres et finit même
des fois par oublier ce qu'il voulait dire. Argument que j'ai retenu car je
l'avais également remarqué.
Du coup, donc, lors de la réu de jeudi, j'vois mon Anthony la
main en l'air, qui s'avançait de plus en plus en tenant son bras comme s'il
était de plus en plus lourd, la tête enfouie sous son bras qu'il soulevait le
plus haut possible ! Bref, j'me dis, qu'effectivement, y a un sacré inconvénient
à fonctionner comme ça.
Du coup, je demande la parole et parle de la réu du GEM01 et
d'une autre méthode pour prendre la parole. V'là donc qu'on essaie la méthode
"GLEM" (j'lavais déjà essayé une autre année). On a tenu 5 minutes. C'était
super dur pour le donneur de parole qui ne pouvait plus écouter les échanges
puisqu'il était consacré à plein temps à la gestion des mains qui se levaient et
se rabaissaient. On a également pu faire la constatation que des enfants ayant
demandé la parole pour réagir à ce qui venait de se dire, ont parlé d'autre
chose (mais toujours sur le même sujet) lorsqu'ils ont eu la parole.
On a du coup tout arrêté mais comme y avait toujours ce soucis de bras levé
longtemps, il fallait faire quelque chose et ne pas rester sur un échec. On a
donc dit qu'on n'était bien embêté car ça ne marchait pas super, qu'on ne
connaissait pas d'autres méthodes. Tiens, et si on essayait de ne plus lever le
doigt ; du coup, on est obligé d'écouter pour pouvoir placer sa parole et
s'arrêter si on est plusieurs à parler en même temps.
La minute qui a suivi et qui a correspondu à un moment de
la réunion où chacun dit ce qu'il a réussi ("Qui a réussi quoi ?") a été
géniale. Ils plaçaient leur parole et y a eu une quantité impressionnante
d'informations données en un minimum de temps. Et oui, puisqu'on ne perdait
plus de temps à donner la parole !
C'est en ce sens que je disais que le message
précédent avait un lien avec celui-ci : "Plus on
lâche, plus l'activité est dense."
J'entends déjà quelques collègues me dire. C'est bien joli
tout ça mais t'oublie celui qui n'ose pas parler, le timide etc etc
Et c'est là que ça devient intéressant (Hélène dirait que
c'est ENORME !) car très étonnant aux premiers abords :
Julien qui ne demande quasi jamais la parole, très discret,
timide, un peu renfermé, a dit ce qu'il voulait dire au cours de cette minute.
C'est en fait l'inverse de ce qu'on pouvait s'attendre : le timide parle dans
cette situation, il ose davantage parler et placer sa parole que lever le
doigt.
Forcément, ça m'a interrogé, j'ai donc essayé de me mettre à
sa place et ai peut-être trouvé un début d'explication :
Le timide n'a pas envie qu'on le regarde, qu'on lui donne la
parole devant tout le monde, qu'on le regarde ; il ne va donc pas faire l'effort
de lever la main. Par contre, au sein d'un groupe où les échanges vont très
vite, il sait que, dès qu'il aura fini de parler, un autre enfant va enchaîner ;
on ne va donc pas s'arrêter sur lui ...
Un lieu restreint où les membres de groupes sont très proches
sont des conditions favorables - peut-être nécessaire - à cette non-méthode de
prise de parole. Nous faisons auparavant la réunion dans une autre salle, autour
de grandes tables ; nous n'aurions jamais pu fonctionner comme ça.
Philippe Ruelen
C.R.E.P.S.C. (Centres de Recherches des Petites Structures et
de la Communication)
Vers une école du 3ème type
Site perso Bibliographie :
"Du taylorisme scolaire à un système éducatif
vivant"
"Vers une école du 3ème type"
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