Selon Benjamin BAYART le 3/12/07 23:27:

>> Il semblait pourtant que le propre d'une infrastructure essentielle, telle
>> que l'accès à l'abonné (ie boucle locale), était qu'elle ne pouvait être
>> répliquée dans des conditions techniques et économiques raisonnables.
> 
> C'est ta position (voire celle de Free) de considérer que la BLO est une
> infrastructure essentielle ?

Ca fait bientôt 10 ans qu'on se tue à expliquer que l'accès à l'abonné
constitue une facilité essentielle, et qu'à ce titre, il doit être fait
droit aux demandes raisonnables et justifiées dans des conditions
objectives, transparentes, non discriminatoires et à des tarifs non
excessifs à défaut d'être orientés vers les coûts. Pourquoi il en serait
autrement sur l'optique ?

> Qu'elle sera par nature un monopole (au moins local) ? Et que donc il faut
> qu'elle soit publique (préambule de la constitution) ?

Ahem, cette interprétation quelque peu extensive du préambule de 1946 reste
très isolée, et est loin d'être partagée par les pouvoirs publics, la
jurisprudence ainsi que par la doctrine.

D'une part parce que la boucle locale optique n'est pas un service public
national, et d'autre part, même si elle occupe une place essentielle, ce
n'est pas le seul moyen d'accéder au très haut débit. En outre, le monopole
doit être entendu en terme d'absence d'offres concurrentes sur le marché de
détail, pas tant au niveau de l'infrastructure en elle-même. Enfin, une
infrastructure essentielle n'échappe pas au contrôle de la collectivité qui
peut le déléguer ex-ante avec la régulation, ou ex-post avec le droit de la
concurrence.

> Comment assures-tu de la non éviction sans faire de régulation ?

Je n'ai jamais dit que la non-éviction impliquait absence de régulation et
non-application des principes du droit de la concurrence.

> Si tu ne fais pas de contrôle ferme des tarifs, comment tu empêches un
> opérateur de vendre pas cher à l'un (genre ayant le même actionnaire) et
> très cher à l'autre ?

Sans aller jusqu'au contrôle ferme des tarifs, le principe de
non-discrimination est là pour s'assurer que tout le monde paye le même
tarif. Cf. la décision ARCEP sur les TA des OBL fixes qui a remis tout le
monde dans le rang.

> Comment gères-tu les conflits entre opérateurs de taille très disparate ?

La régulation actuelle est correctement outillée pour cela. Nul besoin
d'engager une armée d'avocats pour aller plaider sa cause à l'ARCEP pour
trancher un différend, on en est la preuve vivante.

> Par exemple entre les opérateurs locaux (taille Nerim pour les plus
> énormes d'entre eux) et les opérateurs de BLO (taille Free pour les plus
> petits). On sait bien que la jutice est la même pour tous, mais que
> certains sont plus égaux.

Une nouvelle fois, principe désormais solidement ancré tant en droit
administratif qu'en droit de la concurrence, équité ne signifie pas stricte
égalité : s'il convient de traiter également des situations comparables, en
revanche il est totalement justifié de traiter à des conditions spécifiques
des demandeurs qui n'ont pas grand chose en commun.

Mais pour ce qui est des conditions d'accès à la justice et régulation,
elles sont les mêmes pour tous, qu'on s'appelle FT ou IS Production :-)

> Comment tu empêches l'effet de seuil qui consiste à imposer des frais
> fixes idiots (par exemple les frais d'accès au serveur d'éligibilité, si
> on veut parler de l'offre de fibre de Free,

Il me semble pas que ces FAS soient si insurmontables que cela pour une PME
disposant d'un plan d'affaires sérieux. Ceci dit, on peut tout à fait
réfléchir à une tarification optionnelle à l'acte.

> ou les frais d'entrée dans le NRA si on veut parler du cuivre FT

Ces frais d'entrée ne sont pas si excessifs au regard de la situation de
départ (ie en moyenne 200 K euro par site répartis au prorata des
demandeurs). C'est comme dans la vraie vie ensuite, il faut batir le plan
d'affaires en fonction des contraintes, et pas l'inverse.

> Est-ce un pladoyer pour la séparation fonctionnelle, au moins sur le
> fond, si ce n'est pas dans la forme ?

Il semblait pourtant qu'on s'était clairement exprimé sur le sujet. Et qu'on
s'était pas arrêté aux belles déclarations d'intentions, puisqu'on la
pratique déjà ici.

> Si je te lis bien, tu as l'air de préconiser:
> - séparation fonctionnelle entre un opérateur de BLO local (partenariat
>   public-privé, par exemple) et les opérateurs de service de tous poils
>   sur le même réseau

Loin d'être le remède miracle pour s'assurer du développement d'un marché
comme a tendance à le faire croire la Commissaire Reding, la séparation
fonctionnelle apparaît comme un remède particulièrement approprié pour
s'assurer d'une non-discrimination dans les procédures opérationnelles &
modalités techniques.

On le voit très bien sur le dégroupage. Si séparation fonctionnelle il y
avait, on en serait plus 4 ans après le décollage du dégroupage à trainer un
SAV pour lequel rien n'est fait pour inciter l'opérateur historique à faire
ses meilleurs efforts. Avec une séparation fonctionnelle, le fait qu'Orange
puisse être confrontée à ce que les Neuf, Free, Axione & co connaissent (1er
niveau inefficace faute de process adaptés, 2eme niveau débordé, et
l'expertise qui devient la norme de rétablissement alors que c'était censé
rester exceptionnel) contribuerait grandement à ce que ce sujet soit enfin
traité comme il se doit.

Par contre, le risque de la séparation fonctionnelle, c'est que ça peut
constituer in fine une formidable assurance-tous-risque en matière de
revenus récurrents garantis pouvant déboucher sur des rentes de situation
comme on le voit avec OpenReach au Royaume-Uni. Ce qui au passage ne change
pas grand chose quand on sait que les SFR, BoT, Neuf et Free figurent parmi
les principaux contributeurs de CA chez FT.

> - engagements ferme pour garantir l'homogénéité du réseau et des travaux
>   (nuisances, etc)

Des normes existent déjà, et vont être prochainement complétées en ce sens.

> - prérogatives généralement accordées à la puissance publique en échange

Quelles prérogatives au-delà de ce qui existe déjà (ie permissions de
voirie, octroi de servitudes...) ?

> Il n'y manque que:
> - la publicité des tarifs

Ils le sont pour ceux qui sont connus, et pour ceux qui restent à fixer, les
principes de détermination sont connus. Il va falloir peut être comprendre
que pour infra constituée de 0, il est difficile d'avoir 100% des tarifs
connus à l'avance sans disposer d'un retour d'expérience significatif.

> - l'obligation de vendre à tout opérateur souhaitant acheter
> et tu auras dit qu'il faut que le BLO soit une délégation de service
> public. Si c'est ça, je suis assez d'accord. Mais il manque l'objection
> fondamentale: les délégants ne contrôlent pas convenablement (faute de
> compétences spécifiques, le plus souvent) leurs délégataires.

Procès d'intention. Oui, il y a des délégants qui ont tendance à ne pas
contrôler comme il se doit les délégataires. Mais non, tous les délégants ne
sont pas à ranger dans le même sac, la plupart veillent (tout du moins pour
notre domaine) à ce que l'offre du délégataire soit la plus complète au
possible et que les modalités de fonctionnement & reporting soient
incitatives, en faisant peser la charge de l'inefficacité sur le délégataire
et non le déléguant.


Alec, 
-- 



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