Comme ça doit être le froid qui anesthésie la liste et comme à
Montpellier il fait toujours chaud, je vous envoie un compte-rendu de la
réunion d'hier soir sur les ateliers permanents. Cette discussion s'est menée
dans le cadre de la rencontre mensuelle du groupe de l'ICEM34.
Le principe dateliers permanents est de
réserver un emplacement de la classe pour une activité précise, autour dun
matériel spécifique.
Plusieurs difficultés sont rencontrées dans la mise en place de ces
ateliers permanents :
Certains enfants naviguent dateliers en ateliers sans approfondir ou
terminer leur activité : cest ce quon peut appeler leffet
zapping.
Quapprennent les enfants en répétant des
activités sans souci dévolution ?
Les enfants restent dans une béatitude (Cest
super ce que tu fais), sans renchérissement sur le produit réalisé. Ils
pataugent dans la zone proximale de sous-développement. Les ateliers
permanents ne sont-ils pas des niches pour ceux qui veulent en faire le
moins?
On ne mesure pas ce qui se passe dans leur tête,
on ne contrôle pratiquement rien..
Les enfants qui viennent à lécole peuvent-ils
le faire tous seuls ?
Il semble y avoir confusion entre atelier et
travail individualisé : les ateliers permanents correspondent plus à une
forme dactivité quà une modalité dorganisation du travail. Bien que la
participation à un atelier ne puisse senvisager de manière collective, tout
ce qui est du ressort du travail individualisé ne se traduit pas
nécessairement au sein dun atelier.
Lorganisation dateliers permanents dans une
classe, bien que dépassant la seule intention occupationnelle, sappuie sur
une conception particulière de lacte dapprendre : apprendre ne se
définit plus seulement sur la médiation de ladulte mais dépend également des
connexions qui se créent ou sintensifient lorsque lenfant en activité fait
fonctionner son intellect.
Les ateliers permanents ne peuvent pas être un
créneau dans la journée, dune part parce que cela réduirait le caractère de
permanence de ces ateliers, dautre part parce que cela engendre une rupture
trop nette dans la dynamique de travail des enfants : les poursuites et
suivis des projets deviennent plus difficiles, ce qui pourrait entraîner les
phénomènes de zapping dont nous parlions avant.
Ce qui a pu permettre un fonctionnement en
ateliers permanents différent des plages horaires prévues à cet effet est le
caractère prioritaire de la prise en compte de linformation entrant dans la
classe. Les ateliers ninterviennent plus comme des supports à activités
décontextualisées mais comme des sources doutils aidant à la réalisation de
projets personnels : on ne se rend plus en atelier parce que cest le
moment mais plutôt parce que sy trouve un outil qui va maider à écrire mon
texte, décorer mon affiche, compléter mes recherches
Il a été observé que ce sont souvent les enfants
que lon « pousse » le moins qui réussissent le plus et à contrario
ceux que lon contraint le plus qui ne mobilisent quune part très restreinte
de leurs capacités. Cette idée rappelle quelque peu le témoignage de Neill
avec des enfants qui nayant pas mis le pied dans la salle de classe sur
plusieurs années se mettent un beau jour à rattraper leur retard avec
fulgurance. Il est à noter que le temps dapprentissages dont disposaient ces
enfants et leurs responsables adultes est souvent bien plus conséquent que
celui que lon nous permet.
Néanmoins, cette observation confère bien aux
ateliers permanents dans une classe une place forte quant aux apprentissages
quils vont susciter. La nature de ces apprentissages dépendra bien évidemment
de la nature des outils mis à disposition et entretenus par lenseignant.
Si ce que lon recherche est donc lactivité de
lenfant, il apparaît pédagogiquement opportun de tenter dadopter la
stratégie de sintéresser en priorité aux enfants qui sont en activité, quitte
à donner moins de temps à ceux qui ne le sont pas encore. Outre le caractère
de médiatisation des efforts fournis par certains, cela dynamise les projets
en cours de réalisation parce que cette aide contribue à débloquer les
résistances et à orienter les recherches vers davantage de
richesse.
Par exemple pour lapprentissage de la grammaire
ou de la conjugaison, cette stratégie peut sillustrer par une information de
mise à disposition de lenseignant pendant une période définie, ce qui diffère
profondément dune coercition faite à des enfants qui rechignent à sentraîner
dans ces domaines.
Terminons ce CR par la phrase de Pierre :
« On travaille souvent dans le coup de pied au cul », pas celui de
lenseignant mais celui que lon se donne pour réussir les défis que lon
sest donnés ou respecter les contraintes qui nous sont
extérieures.